Chocolate

Suite au drame survenu à Charlie Hebdo, j’ai été pétrifiée par la tristesse et je l’ai noyée dans de la bière ambrée. Puisque que je ne suis pas douée dans l’écriture de texte de deuil, j’ai décidé de continuer à faire ce que je sais faire, c’est à dire, partager avec vous mes trouvailles et autres lubies. Je n’ai qu’une parole pour l’avenir : soyons vivants !

Je vous parle aujourd’hui d’un film qui s’est adressé à mon cerveau reptilien fondu d’art martiaux : Chocolate. L’histoire d’une jeune fille autiste, Zen, imprégnée par les classiques du kung fu qui va réclamer à coup de tatane de l’argent à des commerçants corrompus pour soigner sa mère, mafieuse repentie.

Le côté minutieux de l’héroïne aurait presque été touchant s’il n’avait pas été asséné version rouleau compresseur.

Chocolate s’ouvre donc sur la romance entre sa mère, Zin, mafieuse thaïlandaise, et son père Masashi, yakusa. On assiste ainsi à de longues scènes, sorties tout droit de soaps sur-éclairés, pour nos Roméo et Juliette asiatiques. L’étirement du temps lors de cette introduction peut représenter un frein au visionnage du film, mais je vous assure ça vaut le coup de rester accroché.

Lorsque l’on rentre dans l’intrigue, un soin particulier est mis dans la thématique délicate de l’autisme. On peut voir à la fois le point de vue des médecins et la dureté de la situation de Zin qui se retrouve à élever seule sa fille. Surtout que Zen n’est à aucun moment victimisée, le réalisateur a réussi à saisir les passions les plus infimes de la jeune fille, notamment la collection de petites perles translucides et son appétit pour les Smarties, d’où son surnom.

Les dommages collatéraux du film sont aussi impressionnants qu’hilarants.

La jeune Zen aime les Smarties mais aussi se plonger avec passion dans les films d’art martiaux. Armée de ses vans colorées et de son pantalon fluide, l’actrice JeeJa Yanin pratique un kung fu de pieds rapide et impressionnant. Ses chorégraphies de combat sont donc des hommages aux maîtres du genre auxquels elle donne ainsi sa touche en pastichant les styles de Bruce Lee, Jackie Chan et même d’Ong Bak, le précédent film du réalisateur.

L’actrice donne beaucoup d’elle même dans les séquences de combat, sans jamais égaler les maîtres qui profitaient de plans plus long dans la mise en scène de leurs mouvements dans les différents décors qui font penser à des arènes de jeu vidéo .

On apprécie mieux le potentiel de JeeJa Yanin lorsque la mise en scène sort du carcan des références, on remarque l’intelligence de l’affrontement entre Zen et une bande de filles sur le toit du restaurant. La caméra va d’ailleurs jusqu’à les suivre dans un espace grillagé très restreint où des postures de breakdance se mêlent avec adresse aux gestes d’art martiaux.

Il n’a pas mal à cause de son pied (quoique) mais d’une pointe qu’il lui rentre dans le derrière, grand classique de l’humour, n’est-il pas ?

Seul point noir dans le traitement de l’héroïne, l’apparition d’une séquence animée de combat qui apparaît de façon inopportune au vu de la construction de son univers intérieur, déjà très efficace.

La version internationale de Chocolate que vous découvrirez sur Netflix semble anormalement courte. En effet, pour des questions de droits, les extraits de films avec Bruce Lee et Jackie Chan ont été retirées. Si vous avez la chance de voir la copie thaïlandaise, vous pourrez d’autant plus profiter des références du film. Cependant, pour les aficionados du genre, la comparaison en split screen ne s’avère pas spécialement nécessaire.

JeeJa Yanin est une actrice à garder à l’œil tant sa pratique sort du lot et je suis pressée de la découvrir dans Raging Phoenix, un de ses derniers films.

Des bons seconds couteaux qui changent agréablement du tout venant.

Les ennemis principaux de Zen sont n°8 et Priscilla, le premier étant l’ancien amoureux transi de Zin devenu chef des mafieux. Il sait se sait monter cruel avec son amour de jeunesse car il va quand même jusqu’à lui couper un orteil à l’Opinel, casual. Son charisme, quant à lui, ne se révèle pas aussi percutant, il reste coincé sous sa perruque et ses lunettes de soleil, tel un témoin anonyme de Toute une histoire, à hocher la tête de temps à autre.

Heureusement que ses hommes de main, Priscilla et son gang de transsexuels, sont bien plus convaincants, notamment lorsque l’équipe prend réellement en chasse Zin et sa mère. Et ça ne rigole pas ! D’un point de vue culturel, il est agréable de voir que les personnages transsexuels sont parfaitement intégrés à l’écriture d’un film d’action. Une chose que nous ne sommes pas prêts de voir chez nous tant l’image du henchman est figée avec celle de l’armoire à glace.

Rien que pour ses cheveux.

Que ce sur soit les scènes de combat et les moments dramatiques, la photographie est clairement chaotique. Elle oscille entre le classe et le roots sans jamais vraiment se trouver, ce qui donne au final une esthétique plus proche du téléfilm de TF1 que d’une production cinématographique même moyenne. C’est bien dommage !

Pour conclure, Chocolate est un film avec une thématique couillue et une actrice remarquable par son investissement. Hélas, certains points font clairement défaut au film : la lumière, l’interprétation de certains acteurs et l’inutile surdécoupage des scènes de combat. A ne regarder que si vous êtes un fondu de films d’arts martiaux


■ Chocolate   ■ Inédit ■ Réalisé par Prachya Pinkaew ■ Avec Jeeja Yanin, Hiroshi Abe, Ammara Siripong… ■ Durée : 90 minutes   ■ Disponible en vidéo ■ Disponible sur Netflix