Succès surprise ayant ouvert la déferlante des blockbusters estivaux de 2008, Wanted a installé rapidement le réalisateur russe Timur Bekmambetov à la liste des mercenaires d’Hollywood. Auparavant responsable des hits locaux Night Watch et Day Watch, Timur a donc transformé l’essai en signant… le seul bon film de sa carrière ?
Aidé dans sa tâche par une histoire écrite par Mark Millar et multibidouillée dans tous les sens par pas moins de cinq personnes, chacun ajoutant sa sauce dans le potage selon les embauches de star et les faiblesses structurelles d’origines du bouzin. Un vrai produit hollywoodien en somme.
On peut gloser sur les changements apportés à la narration par rapport au matériel d’origine, comme le remplacement de la secte des super méchants par un ordre d’assassins guidé par un code caché dans les imperfections d’un métier à tisser, ou l’absence même de costumes afin de ne pas faire trop “super héros”, puisqu’en 2008, seuls les X-Men, Batman et Spider-man tiraient leur épingle du jeu. D’où la prudence de mise et une forme plus urbaine et terre à terre pour éviter tout malentendu dans la forme.
L’ensemble se paie même le luxe de la violence et de la vulgarité en pataugeant de pleins pieds dans le R, préférant moins de publicité au moment de sa sortie cinéma au profit des têtes d’affiches bien reconnaissables : Angelina Jolie, en monolithique féminin tatoué comme un taulard russe ou Morgan Freeman abonné aux seconds rôles qui paient bien (il jouait réellement Lucius Fox pour Nolan sur le plateau juste à côté) rejoignant ici un Terence Stamp bien fatigué.
Le reste du cast étant assuré par des seconds couteaux efficaces, comme Thomas Kretschmann ou encore un jeune James McAvoy qui ne capitalisait à l’époque que sur son rôle régulier dans Shameless, qui se retrouve dans les frusques d’un héros principal qui prend très chèrement.
Wanted n’est donc pas d’une originalité confondante dans son fond, un mélange plus ou moins digeste de Fight Club pour le coté pseudo provocateur et de James Bond sous acide trempé dans tout ce que les actioners des années 2000 ont pu compter de vaguement intéressant (pas grand chose donc). Mais c’est bien grâce la réalisation de Bekmambetov que le film est finalement sauvé.
Avec sa violence débridée et ses passages over the top, Wanted saute allègrement le requin à chacune de ses séquences d’action, qui montrent que le budget a été pieusement dépensé dans un but avoué de faire exploser le plus de choses possibles, de faire sauter les voitures toujours plus loin et s’écraser les trains toujours plus au fond de gouffres cyclopéens !
Référent loser et largué du public, Wesley Gibson passe le premier tiers du film à se prendre tellement de pains que ça en devient comique, dépucelé au gravier, traîné dans la boue si vulgairement que ça en devient jouissif : McAvoy déguste sévère mais rend sa carrure souvent gratuite dans ce genre de films bien plus probable.
Il est véritablement forgé pour son nouveau job et il le fait au mieux, aidé par un don de courber les balles et de percevoir les événements les plus infimes afin de tirer profit de toutes situations. Le personnage est aidé dans cet effort par des effets visuels aussi tapageurs que la réalisation et d’un montage hélas souvent aléatoire : parfois adapté lors des séquences les mieux pensées mais un peu plus à la rue dès que trop d’événements se bousculent en parallèle. Il faut dire que ceux-ci sont quasiment tous filmés sur la même échelle de plans, donc trop serrés… un mal prégnant dans ce genre de divertissements.
Les échelles de plans sont ne sont d’ailleurs pas trop restreintes et le montage image est parfois parasité par de la shaky cam en première partie de métrage avant de se stabiliser sur la suite pour évoquer la maîtrise du pouvoir du héros.
Les séquences d’action compilent honnêtement plans longs et évitent au soutien numérique d’être trop voyant pour tout ce qui devrait habituellement être imperceptible. Le mixage sonore surpuissant pâtit quant à lui de certains effets de coupe (une chanson de Nine Inch Nails coupée en deux sans souci apparent de signification, idem pour l’excellente “The Little Things” de Danny Elfman, aussi amputée…) bien que l’on devine tout de même que le film devait rester coûte que coûte sous la barre des deux heures.
Furieusement vain (con ?) mais complètement jouissif, Wanted était le film pour ados boutonneux de l’été, avec sa métaphore “millardienne” qui caresse le jeune dans le sens du poil et qui s’achève sur une réplique finale en forme de doigt d’honneur (« Et vous, qu’est ce que vous branliez pendant tout ce temps ? ») qui fera jaser au moins jusqu’au moment de sortir du parking du cinéma, où d’éteindre la télévision.
Replacé dans le contexte même de son époque, Wanted était comme une glace d’été : ça faisait du bien, c’était rafraîchissant mais ne laissait pas un souvenir impérissable. Aujourd’hui, le film est devenu ce qu’il a toujours été, à savoir un divertissement qui rôde plusieurs soirées par an dans les grilles des chaines de la TNT et faisant des scores insolents, au même titre que de nombreux épisodes de la saga Fast & Furious.
Rétrospectivement, Wanted est bien le meilleur film de Timur, qui depuis n’a fait que se commettre dans d’atroces navets aux présupposés rigolos mais jamais exploités de la bonne manière, tout en retournant souvent dans sa mère Russie pour produire d’innombrables films et même s’essayer à la comédie (!).
En bref, Wanted vous donnera une bonne idée du produit cinéma de la fin des années 2000, pour le meilleur et pour le pire.
■ Wanted : Choisis ton destin ■ Sorti en France le 16/07/08 ■ Réalisé par Timur Bekmamabetov ■ Avec Angelina Jolie, James McAvoy, Morgan Freeman… ■ Durée : 110 minutes ■ Disponible en vidéo