Un océan de rouille

Lorsque Joe Hill fait la réclame de livres de science-fiction, le risque est pris, bien que mesuré : Un océan de rouille de C. Robert Cargill était disponible pour moins d’un euro sur le catalogue ebook d’Amazon, dans le genre des opérations ponctuelles que fait Bragelonne, mais en encore plus draconien.

La bibliographie de C. Robert Cargill comporte pour le moment quatre livres, dont celui dont nous allons parler, l’homme s’étant tout d’abord fait une réputation en écrivant des colonnes de Film.com et AICN avant de passer dans le domaine du cinéma en aidant son compatriote Scott Derrickson en lui écrivant l’idée du film d’horreur Sinister puis en co-scénarisant la production Marvel Studio Doctor Strange.

Ici, on quitte la fantasy urbaine pour aborder le western post apocalyptique avec Un océan de rouille, dont le pitch est le suivant :

Un robot charognard rôde sur une terre désolée, résultat d’une guerre qui a anéantie l’humanité. Ca fait trente ans que l’apocalypse a frappé et quinze ans depuis la mort du dernier humain aux mains des robots. L’humanité s’est éteinte, chaque homme, femme et enfant effacés par une révolte globale régie par les machines qu’elle a fabriquée pour la servir. La quasi totalité du monde est désormais régie par une IUM – Une Intelligence Universelle Mondiale – la conscience partagée de millions de robots chargée dans un énorme ordinateur central.

Mais tous les robots are ne sont pas désireux de céder leur individualité, leur personnalité, au service d’un pouvoir plus grand, plus fort, aux objectifs autres. Ces intrépides résistants sont des marginaux, des machines solitaires arpentant de grand espaces où sont cachés des avant-postes souterrains peuplés d’une civilisation insoumise d’intelligences artificielles.

L’un de ces résistants est Brittle, un robot charognard qui essaie de sauvegarder son esprit et son corps détérioré dans un monde qui a perdu toute signification. Bien qu’incapable de de faire l’expérience d’émotions comme un humain, Brittle est hanté par les crimes terribles que la population robotique a perpétrée sur l’humanité. Alors que Brittle arpente la mer de rouille, un grand morceau de territoire qui fut il y a longtemps le Midwest, le robot solitaire fait l’expérience d’anciens et très violents souvenirs comme d’une culpabilité dévorante.

Les quelques avis que l’on trouve sur le livre évoquent forcément des modèles cinématographiques prestigieux puisque ce sont pèle mêle Mad Max, Terminator ou même le segment d’Animatrix sur la fin de l’humanité.

Le récit est toutefois assez dur puisque la plupart des moments de guerre de l’apocalypse sont racontés de manière rétrospective et distante par Brittle, en alternance avec son présent, où la mer de rouille est le théâtre d’un jeu de survie qui devient bientôt l’objets d’enjeux bien plus importants.

Impossible de nier les inspirations de C. Robert Cargill mais le reste de l’histoire, très bien ficelée, ressemble à un cauchemar d’Isaac Asimov, où les IA ont rapidement déterminé l’inaptitude de l’humanité à pouvoir dépasser leur berceau et conquérir les étoiles, déclenchant un mutisme qui laissera notre race tomber sous les coups de robots dont les verrous ont été débloqués par WIFI. Mais revenons à notre protagoniste principal !

Brittle, dont le portrait et le point de vue sont écrit sur un style enlevé laissant transparaître que l’auteur a travaillé pour le cinéma, est un personnage tour à tour sympathique, pathétique, honorable, horrible, et le talent de livre est d’avoir réussi à faire de même pour tous les personnages qu’il croise dans son aventure funeste. Tous possèdent une part d’ombre très humaine pour des robots sensés ne pas avoir d’âme, et leurs pensées comme leurs actes possèdent une forte résonance sociale.

Et dire que le livre est sombre est un gentil euphémisme ! Bien que court mais proprement déprimant à certains endroits, Sea of Rust parle pourtant d’espoir et du peu qu’il en reste pour parfois voir le bout du tunnel. Lu en langue anglaise, les amatrices et amateurs de SF allergiques à Shakespeare peuvent lire ce roman en traduction française chez Albin Michel Imaginaire !


■ Sea of Rust ■ Ecrit par C. Robert Cargill ■ Publié le 05/09/2017 chez Harper Voyager ■ 384 pages