Blindspotting

Comme je vous l’avais annoncé il y quelques semaines, Blindspotting était pour moi une grosse attente de cette rentrée. J’ai enfin pu le découvrir en salles et il m’a fallu un temps pour le digérer, d’où cette critique tardive.

Encore trois jours pour que la liberté conditionnelle de Collin prenne fin. En attendant de retrouver une vie normale, il travaille comme déménageur avec Miles, son meilleur ami, dans un Oakland en pleine mutation. Mais lorsque Collin est témoin d’une terrible bavure policière, c’est un véritable électrochoc pour le jeune homme. Il n’aura alors plus d’autres choix que de se remettre en question pour prendre un nouveau départ.

Le décor d’Oakland s’installe magistralement des les premières minutes du film et fait de la ville pleine de changements le troisième personnage du film car elle impacte directement le binôme Collin/Miles dans leur comportement.

On découvre la gentrification, à la fois dans des détails pernicieux mais humoristiques comme la présence de jus détox chez l’épicier du coin, mais aussi dans l’appropriation de lieux riches en histoire par de nouveaux habitants qui s’en cognent visiblement (oui, vous le vivrez de cette manière en visionnant le film).

Cette forte présence de l’urbanité comme pivot du récit m’a évoqué des films des années 70/80 tels que l’Inspecteur Harry ou Le flic ricanant où la ville devient révélatrice des problèmes sociaux de l’époque décrite.

L’intrigue s’articule autour des trois jours avant la fin de la conditionnelle de Collin et le fait qu’il ait été le témoin de plusieurs tirs non justifiés d’un policier sur un jeune homme noir alors qu’il rentrait de sa tournée de déménagements.

Cette pression constante sur Collin fait remonter les questionnements sur le racisme social et policier par le biais de cauchemars frappants. Il revoit ainsi progressivement ses interactions avec son meilleur ami Miles qui, malgré son attitude violente a pu construire une vie de famille car blanc, donc jamais embêté par la police (CQFD).

Collin (Daveed Diggs) et Miles (Rafael Casal) possèdent une osmose pleine de maladresses parfois agaçantes et irritantes mais c’est ce qui fait toute leur authenticité. Ils ne sont pas des gars en quête d’infirmières pour soigner leurs erreurs, même s’ils assument, enfin surtout Miles, parfois difficilement leurs actes irresponsables.

D’ailleurs, leur entourage féminin est écrit au travers d’une franchise résolument moderne, que ce soit la bosseuse Val justement interprétée par Janina Gavankar, la boss du salon de coiffure Mama Liz incarnée par l’iconique Tisha Campbell-Martin ou encore Ashley, la femme de Miles, jouée par Jasmine Cephas Jones vue dans l’excellente comédie musicale Hamilton.

La musique s’inscrit naturellement dans le récit par le biais de couplets de rap par Collin, Miles ou les deux, leurs mots sont, à chaque percée dans le réel pointus, justes et précis comme de la dentelle dans le scénario. Il n’y pas de perte ou de m’as-tu vu, le rap apporte une pertinence supplémentaire à la situation de plus en plus tendue. Le flow de Collin a réveillé en moi la vibe portée entre autres par Run The Jewels, les paroles persistent et restent d’ailleurs en tête à la sortie de la salle.

Blindspotting percute, surprend et restera dans vos esprits longtemps après son visionnage. Le film pose sans détour les questions des violences racistes, policières et sociales par son récit contenu sur ces trois jours avant la liberté de Collin. Ses violences résonnent d’autant plus fort au vu de l’actualité mouvementée aux États-Unis, donc si vous ne l’avez pas vu, allez le découvrir dans votre cinéma ! Si le film n’est pas diffusé par chez vous, on ne vous le dira jamais assez : demandez le à l’exploitant de votre quartier ou de votre ville.


■ Blindspotting ■ Réalisé par Carlos López Estrada ■ Sortie française le 03/10/2018 ■ Durée : 95 minutes ■ Avec Daveed Diggs, Rafael Casal, Janina Gavankar, Jasmine Cephas Jones…