Les siffleurs

Dernier long-métrage de Corneliu Porumboiu après le remarqué Policier, adjectif sorti il y a une dizaine d’années, Les siffleurs peut se voir comme une suite spirituelle de ce dernier, reprenant un certain nombre de thématiques chères au réalisateur roumain que vous pourrez voir ou revoir dès le 7 juillet en vidéo physique après la sortie VOD.

Cristi, un inspecteur de police de Bucarest corrompu par des trafiquants de drogue, est soupçonné par ses supérieurs et mis sur écoute. Embarqué malgré lui par la sulfureuse Gilda sur l’île de la Gomera, il doit apprendre vite le Silbo, une langue sifflée ancestrale. Grâce à ce langage secret, il pourra libérer en Roumanie un mafieux de prison et récupérer les millions cachés. Mais l’amour va s’en mêler et rien ne se passera comme prévu…

Le personnage de Christi, ici joué par Vlad Ivanov (qui passe de la figure d’autorité de Policier, adjectif à l’exécutant vérolé ayant perdu foi dans le système) doit être le personnage ayant le moins de lignes de dialogue du film. Autour de lui, la galerie de personnages lui donne un contexte et une fonction, dévoilant les zones d’ombres et les mystères de cet inspecteur pris dans une spirale d’événement hors de son contrôle.

On est dès lors peu surpris par la structure de ces Siffleurs, organisés comme les couches d’un oignon représentant les différents points de vue des protagonistes et des lignes narratives qui convergent vers un final en partie inattendu car basé sur une attraction entre deux personnages qui n’est pas si évidente.

Seule femme dans ce monde d’hommes, Gilda (Catrinel Marlon) nous est désigné comme l’incarnation de la femme fatale latine, mais toujours menacée et dominée par les mafieux, au point où la seule porte de sortie est Christi, seul individu qu’elle peut encore soumettre à son tour.

En face d’elle sur l’échiquier de Porumboiu se trouve Magda (Rodica Lazar), la procureure de Bucarest, prête à tout pour coffrer les trafiquants mais aussi tout aussi corruptible que Christi, révélant l’étendue de la gangrène du système policier post-communiste.

Malgré une intrigue assez peu propice à la rigolade, Porumboiu ménage d’étonnants moments de comédie, tel ce réalisateur qui vient toquer à la porte d’un entrepôt de mafieux, en quête d’un décor pour un film, ou encore un sens du décalage dans les costumes de certains personnages, la palme revenant à la mère de Christi qui, trouvant sa cachette de pots de vin dans la cave familiale, reverse le tout à l’église locale ! Voir le visage contrit d’Ivanov tenter de récupérer l’argent des mains de l’homme de foi qui le soupçonne d’homosexualité en raison de son célibat et de son âge avancé est un beau moment d’ironie.

Délinéarisant son récit via le découpe en chapitre portant le nom de certains personnages, Les siffleurs s’essouffle pourtant dans sa seconde moitié, essentiellement parce que l’un de ses éléments moteur, à savoir la langue sifflée, n’intervient guère plus que ça dans ce film déjà bien encombré par les complots des uns et des autres. Si Christi sert de point focal à toutes ces embrouilles filmées avec talent par Porumboiu, son rôle dans l’action finit par être bien moins important que prévu, et son dénouement positif termine de décaler le film du thriller vers la comédie dramatique pastiche du film criminel.

Ce qui n’est pas nécessairement un mal ! Je regrette toutefois le potentiel que recelait l’utilisation de la langue sifflée et l’importance qu’elle aurait pu avoir dans un film plus centré sur cette méthode, et comment le langage cinématographique aurait pu être utilisé pour la transmettre.

Hélas, ce n’était pas les intentions du réalisateur, plus préoccupé par le visage insondable de Vlad Ivanov et ses maladresses pour avoir vraiment envie de déconstruire des tropes ma foi un brin usés, bien que tout ce petit monde parle dans plus de trois langues différentes tout en se comprenant sans trop de difficultés… ça change du tout-anglais !

En l’état, Les siffleurs reste une tentative intéressante mais à réserver aux curieux.ses qui veulent autre chose qu’un film de genre, mais n’attendez pas non plus une totale révolution !


■ Les siffleurs ■ Réalisé par Corneliu Porumboiu ■ Sortie française le 08/01/20120 ■ Durée : 98 minutes ■ Avec Vlad Ivanov, Catrinel Marlon, Rodica Lazar…