Monos

Monos, réalisé par Alejandro Landes, faisait partie de ces films que j’avais envie découvrir en salles. La couverture du Cartoon Movie pour Little Big Animation et l’arrivée du confinement en ont décidé autrement. J’ai donc saisi l’occasion de la Vod pour enfin le découvrir :

Dans ce qui ressemble à un camp de vacances isolé au sommet des montagnes colombiennes, des adolescents, tous armés, sont en réalité chargés de veiller à ce que Doctora, une otage américaine, reste en vie. Mais quand ils tuent accidentellement la vache prêtée par les paysans du coin, et que l’armée régulière se rapproche, l’heure n’est plus au jeu mais à la fuite dans la jungle…

Au début, on se retrouve plongé dans un paysage lunaire au cœur montagnes colombiennes surplombant une mer de nuages. Seul un bâtiment gris béton émerge, tel un monolithe, ce qui renforce cette sensation de prison ouverte. Cette ambiance pesante est accompagnée par la musique de Mica Levi colle à la peau avec ses nappes électroniques.

Cet enfermement à ciel ouvert pousse le groupe d’adolescents dans une émulation centrée sur la puissance physique et patriarcale sous le commandement de Mensajero (Wilson Salazar). Une structure où chacun.e perd son identité au profit d’une cause guerrière pour s’habiller d’un surnom, à l’image de ce que l’on connaît dans le très fort La Cité de Dieu.

Cette équilibre guerrier gagne en fragilité dès le moment où le seul adulte motivant la troupe s’en va. Le petit groupe retrouve alors leur nature d’adolescents se manifestant par une recherche de soi aussi bien charnelle que relationnelle. Les jeunes filles que sont Swede et Lady vont utiliser ces leviers sentimentaux pour atteindre à leur manière cette puissance qu’elles ambitionnent mais qui leur est systématiquement refusé au profit des garçons.

Ces sentiments mêlés et l’exultation de puissance vont plonger les adolescents vers un trip de retour à la terre révélant ainsi leur instinct de chasseurs vers celleux qui ont l’infortune de penser différemment.

La quête incessante et chaotique de puissance de ces Monos dans l’organisation met de côté les plus faibles comme Smurf, et ceux considérés comme trop sensible telle Rambo (Sofia Bunaventura). Son surnom, présenté de manière ironique en relation au célèbre « Ce n’est pas ma guerre » du film de Ted Kotcheff, prend une dimension sincère dans la poursuite de liberté de l’adolescente au cœur de la jungle. On reste ainsi suspendu à la moindre lueur d’espoir qui parsème son périple.

La volonté de survie s’imprègne aussi du personnage de La Doctora (Julianne Nicholson) que l’on nous introduit avec un statut hybride d’amie, de maman et d’otage. Cette confusion dans ses relations avec les adolescents nourrit une maîtrise parfois inattendue de la situation. Dès leur arrivée dans la jungle, en parallèle de l’exaltation du groupe, la résilience de la Doctora dévoile une violence dans son regard et dans ses actes qui lui seront nécessaires pour aller au bout et s’en sortir.

Ses choix sont bruts et sans concession en témoigne la séquence de baignade dans la rivière avoisinant le camp de fortune. L’actrice donne une performance remarquable apportant une crédibilité énorme au personnage. Cette image de la survie s’éloigne des clichés hollywoodiens de Seul au monde, ou pour rester dans la jungle, de Predator, les traits sont tirés et le corps de la Doctora toujours en tension face aux éléments et aux adolescents qui vont petit à petit la déshumaniser.

Monos est un film qui vous happe dans son ambiance lunaire et qui vous garde les pieds ancrés au sol grâce à son histoire de relations entre otage et geôliers adolescents. On ne peut que vous conseiller de vous laisser porter par ce film dont, j’en suis sûre, on entendra encore parler dans quelques années.


■ Monos ■ Réalisé par Alejandro Landes ■ Sortie française le 04/03/2020 ■ Durée : 103 minutes ■ Avec Julianne Nicholson, Moisés Arias…