Robocop

Les remakes, on les connait bien : au fond, c’est plus pour gagner un maximum de pognon en minimisant les risques grâce à une marque déjà connue du public que pour nous présenter quelque chose qui pourrait avoir un nouvel éclat, une nouvelle direction. Sauf qu’après le naufrage que le Total Recall de Len Wiseman, la MGM prend des risques en s’attaquant à un autre film du hollandais violent, ici Robocop.

On reprend les mêmes et on recommence : Murphy (Joel Kinnaman) est flic dans le Détroit de 2028. Une sacrée affaire lui prend tout son temps, et il enquête avec son co-équipier Jack (Michael K. Williams) sur un trafic d’armes qui va lui coûter cher puisqu’une explosion le laisse pour mort. Il ne doit son salut qu’au leader d’Omnicorp, 

Raymond Sellars (Michael Keaton), qui aimerait réussir à ouvrir la voie législative à ses drones de maintien de l’ordre sur le sol américain, à l’heure actuelle bloquée par des méfiances envers ses machines létales et sans âme.

Il conçoit avec l’aide du docteur Norton (Gary Oldman) le produit idéal pour changer les mentalités : Robocop, un homme dans un carcan de machine, avec son propre libre-arbitre et un visage humain. Du moins en apparence…

Si le postulat est identique à l’original, ce Robocop version 2014 ne manque de renverser la situation que vit Murphy, passant de zombie regagnant son humanité à un homme qui tente de sauver ce qui peut encore l’être de son corps de robot. L’idée ne manque pas de saveur, mais elle est parasitée par un grand nombre d’autres thématiques qui, si elle sont pertinentes, ne sont jamais abordées plus correctement, comme :

  • Le transhumanisme
  • La présence des drones dans la vie civile
  • La mise en pratique des trois lois d’Asimov
  • La situation politique des USA dans ce même futur
  • Le rôle des médias dans la société US

Si une grande partie de ces thèmes s’imbriquaient naturellement en 1987, ils se fracassent ici sans grand effet, à travers des morceaux d’émission de propagande de l’OCP présentée par un Samuel Jackson en grande forme, et dans des tunnels de dialogues relativement digestes mais sans grand impact sur l’intrigue principale.

De même, ici Murphy reste en contact avec sa famille mais le tout reste très peu impliquant émotionnellement malgré le travail des acteurs, là où une seule scène dans le film original faisait parfaitement tout le travail.

Côté action, le film offre quatre séquences variées dans leurs mises en scène mais complètement froides : elles sont certes bien réalisées par José Padilha, mais à aucun moment l’on ne touche à quelque chose de fun, de véritablement appréciable.

Non pas qu’il y aurait fallu de cette violence grotesque qui était l’une des signatures de l’original, mais de l’ensemble se dégage une absence de chaleur assez incroyable pour le spectateur. Au delà des chorégraphies et des mouvements de caméra, jamais un moment de pure appréciation ne survient, seulement un vague ennui poli.

Et lorsqu’on réagit, c’est sur les aspects les plus négatifs du film, comme cette horrible musique pseudo synthétique de  Pedro Bromfman, qui se permet même de massacrer au détour de deux scènes ironiques le légendaire thème musical de Basil Poledouris, ou encore ce mixage sonore reprenant sans vergogne le BRAAAAM d’Inception, l’un des grands maux sonores de notre décennie.  

A l’opposé, quelques moment sont à sauver et ils sont quasiment tous dû à Gary Oldman, parfait en docteur Norton, coincé entre son serment d’Hippocrate et la tentation de continuer des recherches à la limite de l’illégalité.

Et c’est avec Joel Kinnaman qu’il partage un peu de cette chaleur relationnelle qui fait terriblement défaut au reste du métrage, là où les rapports avec sa femme ne dégagent rien en dépit des efforts déployés par Abbie Cornish.

Alors oui, Michael Keaton joue très bien les salopards, tout comme sa garde rapprochée, mais comme pour les proches de Murphy, tous semblent accessoires, chose due au fait d’avoir séparé une intrigue en deux ramifications différentes là où le film original proposait une narration peut-être plus directe mais moins dépenaillée.

Le constat est dès lors bien mitigé : Robocop voudrait parler de tout mais n’aborde pas assez ses sujets, se contentant de fulgurances (scène d’ouverture ou un ED-102 éclate un enfants armé d’un couteau devant les caméras, la réelle apparence de Murphy sous son armure) et assurant le minimum syndical pour un film hollywoodien.

On est donc bien  loin de la déchéance que fut Total Recall, mais ce nouveau Robocop est plombé par une apparence aujourd’hui considérée comme plutôt commune (Iron Man est passé par là), une photographie passe partout et une profusion d’acteurs à l’image de la narration : coincés dans le coin, sans trop de rapports avec le film.


■ Robocop   ■ Sorti le 5 février 2014  ■ Réalisé par José Padilha   ■ Avec Joel Kinnaman, Gary Oldman, Michael Keaton…   ■ Durée : 121 minutes