The Bacchus Lady

The Bacchus Lady m’a interpellé dès sa bande annonce car le film annonce sans fard des problématiques taboues dans nos sociétés, qui sont la prostitution, la vieillesse et les questionnements à la fois physiques et moraux qui en découlent. Elles sont abordées par le regard de So-young, interprétée par Yuh Jung Youn, dans le quotidien de son travail déclinant.

“So-young, est une dame âgée qui, faute d’une retraite suffisante, doit arrondir ses fins de mois en devenant une “Bacchus Lady”, terme élégant pour désigner une prostituée. Ses clients se font rares. Ses habitués prennent de l’âge, comme elle, et sont confrontés à d’autres problèmes liés à la sénescence (cancer, maladie d’Alzheimer, sentiment de profonde solitude…). Ses conditions de travail devenues difficiles, mais aussi sa rencontre avec une vielle amie, et l’irruption inattendue d’un petit garçon dans sa vie – un Philippin dont la mère effectue un court séjour en maison d’arrêt – vont l’obliger à réfléchir à son avenir et à certaines options professionnelles qui s’offrent à elle.”

Le réalisateur coréen Je-yong Lee pose un point de vue sobre et sans prétention sur la vie de sa protagoniste. Les plans sont souvent fixes, parfois longs, comme pour souligner l’irrégularité et les attentes dans les fréquentations de So-young au sein de son activité.

On prend ainsi part aux différentes conversations avec ses clients vieillissants et on aperçoit une certaine conscience de la mort, dépeinte avec sensibilité. Cette inconsistance quotidienne se retrouve aussi dans la relation qu’elle entretient avec Min-ho, le jeune philippin qu’elle a recueilli suite à un incident domestique chez son gynécologue (pas très aimable, sois dit en passant).

La vieille prostituée le recueille, cherche à dialoguer avec lui mais ne s’investit pas outre mesure dans cette situation annoncée depuis le départ comme éphémère. So-young n’a pas vocation à devenir la mère ou la grand-mère de qui que ce soit, et encore moins du spectateur qui pourrait développer ce sentiment à son égard et c’est là que réside la grande force du personnage.

Avec un entourage au quotidien aussi compliqué que le sien, So-young le sollicite de temps à autres mais pense surtout à travailler en continuant à aller à la rencontre de clients parfois réticents.

Le film brise un tabou en dévoilant le fonctionnement entre prostituée et client, modestement ritualisé à l’aide de bougie et de potion revigorante. Cette situation irrégulière face aux autorités coréennes est elle aussi montrée lors d’un échange qui s’interrompt brusquement.

Parmi les différentes conversations, celle qui m’a parue la plus futile se déroule avec un jeune réalisateur de documentaire cherchant des témoignages de Bacchus Ladies. On a l’impression que Je-Young Lee cherche à s’inclure aux forceps dans la vie de son héroïne alors que son point de vue et l’interprétation subtile de Yuh Jung Youn suffisent à sublimer un propos déjà difficile.

The Bacchus Lady s’est révélé être un film courageux qui aborde la fin de vie et sa sexualité avec sobriété et franchise. On y retrouve une dépiction sociale parfois acide que l’on connaît dans le très vivace cinéma coréen dans des long-métrages plus connus tels que Le dernier train pour Busan ou même Snowpiercer de Boong Jon-ho.

On absorbe cette tranche de vie compliquée selon son âge et j’y ai vu pour ma part un témoignage frais dans sa rugosité. Attention tout de même si on est plus âgé, on peut sentir la souffle de la mort dans son cou en sortant de la séance. Toutefois, je vous le recommande !


■ The Bacchus Lady  ■ Réalisé par Je-yong Lee  ■  Sortie française le 01/08/2018 ■ Durée : 110 minutes   ■ Avec Yuh Jung Youn, Hyun-jun Choi, Mu-song Jeon…