La Grande Muraille

Nul ne peut le nier : si vous allez régulièrement au cinéma ces dernières années, ou si vous rattrapez les blockbusters à la maison, confortablement installé devant votre écran, ils sont impossibles à manquer…de quoi je parle ? Mais des logos de coproduction des entreprises asiatiques, depuis Alibaba (Mission Impossible : Rogue Nation) jusqu’à HuaHua Media (xXx : Reactivated), la croissance du marché chinois fait que naturellement, les américains, outre une accession à ce précieux marché, sont davantage enclin à partager les coûts pharaoniques que représentent les budgets actuels.

Le cas de Legendary Entertainment est plus spécifique, puisque c’est le résultat d’une manœuvre de son futur ex-président, Thomas Tull, qui a préféré arrêter les frais après les déconvenues avec Warner (Accusés Godzilla et Pacific Rim, levez-vous) et Universal (Le Septième Fils, Warcraft) en se faisant racheter par Dalian Wanda pour la rondelette somme de 3.5 milliards de dollars.

Pourquoi je vous raconte tout ça , Seulement pour vous dire que La Grande Muraille, justement, est le pur produit de ces échanges entre industries occidentales et orientales, où l’un (Legendary East, la branche asiatique) prête son savoir-faire à l’autre (Universal Pictures, toujours à l’affût de gagner gros après l’internationalisation de Fast & Furious), qui va donner des têtes connues et des techniciens d’expérience, la chose se faisant dans les deux sens selon le secteur demandé, ce qui donne le long-métrage que j’ai pu voir en évitant la version française (ouf).

Une belle bande de généraux aussi énervés que sous-exploités. Dommage.

C’est donc comme ça que s’est monté La Grande Muraille, avec pour les occidentaux Matt Damon en tête d’affiche, accompagné de Jing Tian, Pedro Pascal, Andy Lau, et l’incontournable Willem Dafoe en enfoiré de service (ce n’est pas un spoiler), sur un sujet de fantasy assez bateau originellement posé par Max Brooks (World War Z, le livre), Edward Zwick (Le Dernier Samourai) et Marshall Herskovitz (Jack Reacher: Never Go Back) et transformé en script high concept par le duo Carlo Bernard/Doug Miro (L’Apprenti Sorcier, Prince of Persia – Les sables du temps) et un dernier coup de polish par Tony Gilroy (qui a récemment repris en main le troisième acte de Rogue One pour Lucasfilm).

Et ce pitch alors ? Comme je l’ai dit, assez bateau : William Garin (Damon), un mercenaire en quête de poudre noire, se retrouve emprisonné dans les geôles de la Grande Muraille de Chine et découvre la fonction de cette dernière, qui est tous les soixante ans le rempart d’attaques de créatures monstrueuses. Il se découvre une dignité et rejoint alors ses geôliers, une faction d’élite de l’armée chinoise, dans un ultime affrontement pour la survie de l’humanité…

Un résumé qui fait peur, puisque ce ne sont pas les longs-métrages avec un sauveur blanc en terrain étranger qui manquent, et La Grande Muraille n’échappe pas a ces moments de malaise bien dérangeants puisque lors de certaines séquences, Matt Damon et Pedro Pascal semblent défourailler plus de bestioles grâce au pouvoir magique de l’improvisation que les quatre corps d’armés présents pour défendre le mur, et montrés comme ultra capables, même si trop coincés dans des techniques ancestrales qui peuvent échouer face à un ennemi qui apprend.

Un ennemi sans visage et en images de synthèse au look improbable, que l’on croirait sorti d’un jeu de stratégie en temps réel, et dont la stratégie première se résume au zerg rush, lors d’une séquence d’assaut assez réjouissante qui permet à Zhang Yimou (Hero), de faire étalage de ses points forts : la chorégraphie, la couleur, et une forme de synesthésie assez bienvenue tandis que le montage se fait bien plus sage que l’hystérie habituelle de ce genre de productions.

La première moitié du film en jette. Si seulement la suite avait été au niveau…

De même, l’ensemble, malgré deux chef opérateurs différents, ne manque pas de vista et propose des séquences sous très appréciables entre des couloirs de dialogues qui font le minimum syndical pour enrichir les personnages d’une motivation suffisante pour qu’ils passent à la suite.

Certains sont presque acceptables alors que d’autres sont réduit à peu de chagrin, essentiellement à cause du choix de présenter la soldatesque chinoise sous l’angle unilatéral du “tout pour ma patrie”, en opposition à l’individualisme de leurs contreparties occidentales.

Mais au final, La Grande Muraille prétendait-il à autre chose que ça ? On est en droit d’en douter, et mes attentes envers lui n’étant pas très hautes, je fus plutôt agréablement surpris du résultat, surtout de la part d’un réalisateur que j’avais quitté depuis Hero et qui fait ici preuve d’un mercenariat luxueux.

Un reproche que l’on peut somme toute faire à pas mal d’endroits, depuis la musique (Ramin Djawadi en mode automatique, sauvé par les percussions martiales vues à l’image…mais que l’on ne retrouve hélas pas sur le disque de la bande originale !) jusqu’aux effets spéciaux, qui prennent une tournure légèrement expérimentale dès que l’on quitte ladite muraille du titre pour attaquer le troisième acte à la capitale impériale.

Au final, c’est là que je me suis dit que j’avais vu une série B de luxe, mais qui n’a pas claqué son surplus monétaire dans des caprices esthétiques de nouveau riche (c’est déjà ça). Chacun y joue son rôle avec un minimum de sérieux, pour un résultat fonctionnel mais pas inoubliable.

A voir avec une bière et une pizza !


■ La Grande Muraille ■ Réalisé par Zhang Yimou ■ Sorti le 11/01/2017 ■ 104 minutes ■ Avec Matt Damon, Jing Tian, Pedro Pascal, Andy Lau…