Billet d’humeur : J’irai voir le dernier Aronofsky

Je dois le dire tout net : à quelques semaines de la sortie de Noah, le nouveau film de Darren Aronofsky, je n’avais strictement aucune envie de voir le film. Vraiment aucune. Je dois aussi préciser que ma rupture avec le réalisateur s’est faite à un moment où le grand public est revenu vers lui, lors de la sortie du lénifiant mélo The Wrestler, puis de sa copie carbone formaliste Black Swan
De là, seule la lecture de l’adaptation en bande-dessinée de The Fountain, qui révélait une excellente écriture et un esthétisme inégalé (deux choses que le film n’avait su que caresser du bout des doigts), raison qui m’a poussé à feuilleter puis à lire l’adaptation de Noah dessinée par Niko Henrichon, dont la publication a commencée bien avant la mise en chantier du film avec Russel Crowe. 
Et ce que j’ai lu m’a plu. Tant dans la forme, qui m’a immédiatement évoqué les histoires de Métal Hurlant, que dans le fond, profondément enraciné dans des thématiques et des problèmes philosophiques pertinents que l’on en rencontre pas souvent, mais qui sont de plus déployés dans cette adaptation biblique très libre et dénuée de préchi-précha débile.

Sinon, comme pour la quasi-totalité des films à gros budgets sortant des sentiers battus, le studio semble avoir toutes les difficultés du monde à marqueter le film, il suffit de jeter un œil aux quelques affiches qui peuplent le territoire pour voir à quel point la communication voudrait aller vers le film universel dramatique alors même que le film ressemble bien plus à une aventure de fantasy juive vu son enracinement dans les évangiles apocryphes et l’ancien testament.

Et le storyboard a été assuré par Duncan Fegredo. Que demande le peuple ?

Le film sort bientôt et la bande-annonce ne me rassure guère, tout en cachant ce qui semble faire l’essence même de cette adaptation, probablement caché par la Paramount pour faire se déplacer le public croyant américain en salles, qui est une fraction non-négligeable de l’audience potentielle…sauf que l’on a plus ici affaire à un film de fantasy/pré(post ?) apocalyptique dont l’ambiance nihiliste et son mysticisme fera pâlir un bon nombre d’entre-eux. 

Il reste bien sûr le point le plus débattable : la réalisation même d’Aronofsky, qui possède une sensibilité de rouleau compresseur lorsqu’il s’agit de transmettre quelque chose au public, et j’ai peur que les différentes thématiques me soient martelées au visage sans douceur.

Aussi, là où le format de la bande-dessinée permet de prendre tout son temps, le montage même du film en deux heures risque de laisser des dommages inévitables dans le message qu’Aronofsky veut faire passer dans son film, comme c’avait été le cas pour la très intéressante histoire de The Foutain qui avait accouchée d’un grand film malade largement ignorée par la critique au profit de son surestimé Black Swan.

Mais pour savoir, il est nécessaire de voir. J’irai donc voir ce Noah pour me faire une idée définitive sur la question en espérant que, contrairement à The Fountain, Aronofsky réalisateur soit de taille face au Aronofsky scénariste, et ce bien qu’il ne soit pas seul sur le coup, son partenaire de longue date Ari Handel devant y être pour quelque chose…