Critique croisée : Monuments Men

A la sortie de Monuments Men, Nbu et moi avons eu une discussion intéressante sur notre perception du film selon notre expérience des films de guerre. J’ai pour ma part un petit kilométrage, tandis que lui les affectionne particulièrement et en a vu beaucoup plus. Nous avons donc décidé de partager nos deux avis avec vous.

L’ histoire : En 1944,  le Général Strokes (Georges Clooney) décide avec l’appui de Roosevelt de créer une équipe afin de récupérer les œuvres d’arts volées dans toute l’Europe par les Nazis et de les restituer à leur propriétaires. Les Monuments Men établissent un plan d’action au départ de la France pour être les plus efficaces possibles…
Mon avis : 
J’ai eu beaucoup de difficulté à rentrer dans le film, le temps d’exposition des personnages est très long, ils sont tout de même sept à présenter au public. La véritable implication auprès des protagonistes se fait attendre malgré un casting prestigieux. Je me suis réellement pris d’empathie pour eux à partir de la deuxième demi-heure, lorsqu’on les voit se révéler en binôme où j’ai particulièrement apprécié les moments entre Bill Murray et Bob Balaban qui sont à la fois touchants et drôles.
Pour ce qui est de l’univers, la guerre et sa violence m’ont semblé inexistantes pendant toute la première moitié du film. La musique légère d’Alexandre Desplat contribue à ce sentiment d’insouciance appuyé par des costumes trop propre face à la brutalité de la situation. 
Ayant un bagage en films de guerre se limitant à la Grande Vadrouille et à la Septième Compagnie, j’ai vraiment eu l’impression de me faire troller ma séance par le souvenir de Louis de Funès, ce qui m’a semblé inattendu vu le contexte du film, plutôt grave.

Trolls !
Heureusement, je me suis laissé porter par la mission de ces hommes et par l’importance de la récupération de ces œuvres d’art, c’est un sujet qui me touche vraiment. Connaissant la majorité de ces tableaux, j’ai laissé couler une petite larme lorsqu’on aperçoit les Nazis en faire un gigantesque autodafé. Je trouve que Monuments Men a ses défauts, mais il est important que des réalisateurs choisissent de parler de l’importance tâche qu’on eu ces hommes.
A un moment important du film, le Général Strokes dit “Quand il s’agit de lingots d’or, ça intéresse tout le monde, quand ils s’agit d’art ils s’en foutent.” Cette citation met en évidence le moment représentatif du film et possède la qualité de faire référence à notre époque et sur la façon dont nous appréhendons le cinéma. On attache beaucoup (trop ?) d’importance à ce qu’un film peut rapporter en monnaie sonnante et trébuchante , plus hélas qu’au travail artistique mis en œuvre pour sa réalisation. Georges Clooney fait ici preuve d’une certaine lucidité face au système hollywoodien qui l’a fait connaître et c’est rafraîchissant !

L’avis de Nbu : 

A la sortie de Monuments Men, c’est une certaine satisfaction qui prédomine : j’ai vu un film bien interprété, bien produit, bien éclairé, qui fait le boulot. Contrairement à Madmoiselle Murieta, je n’attendais pas que ce soit un film de guerre (il y en a eu bien assez) mais un film qui se déroule durant celle-ci, même si le sentiment d’urgence est en fin de compte assez peu présent (lutte contre le temps pour retrouver les œuvres d’arts que les nazis tentent de faire disparaître, lutte contre les soviétiques pour le butin final). 
A aucun moment Clooney ne joue sur le fait que la guerre peut être perdue, ni sur le désespoir qu’elle induit et il se veut volontairement optimiste dans la poursuite idéaliste de sauver non pas des hommes mais leur patrimoine pour les générations futures.

On saute du coup d’une période de temps à une autre sans vraiment de justification, sinon celle de lier les personnages entre eux et de montrer leur confrontation (celle entre Blanchette et Damon vaut d’ailleurs le détour). On retrouve dans le film la conception de l’humanisme qui baignait les réalisations précédentes de Clooney comme Good Night, and Good Luck, chose à la fois renforcée et dévorée par son casting quatre étoiles. 

Si Matt Damon parait ici un peu falot, il est complètement écrasé à l’écran par la bonhomme de John Goodman, le talent indéniable de Cate Blanchett, un excellent binôme Bill Murray/Bob Balaban et rejoint Clooney en mode automatique et un Dujardin embauché pour “faire le français”.  On notera aussi la présence du trop rare Hugh Bonneville, ici un peu desservi par le traitement tire-larmes de son personnage. 

Je comprends d’ailleurs que Madmoiselle Murieta ait beaucoup eu l’impression que le film tirait vers la comédie, son ton étant plutôt léger grâce à ses personnages, mais il ne faut pas oublier l’importance des comédies qu’elle cite dans notre propre culture cinématographique, ce que les américains n’ont pas forcément en tête en voyant un tel film, ce qui a sûrement dû jouer sur sa réception sous nos latitudes. 

A défaut d’être un excellent film qui traite son sujet de la meilleure des manières (le format de mini-série lui aurait vraiment rendu justice) Monuments Men est un fort agréable divertissement aux allures de luxueux téléfilm HBO qui donne envie de lire le livre, The Monuments Men: Allied Heroes, Nazi Thieves and the Greatest Treasure Hunt in History d’ailleurs disponible en poche un peu partout.


■ Monuments Men  ■ Sorti le 19 février 2014  ■ Réalisé par George Clooney   ■ Avec George Clooney, Matt Damon, Cate Blanchett…   ■ Durée : 118 minutes