Adoration

Deux ans après l’excellent détour américain que fut Message from the King, Fabrice Du Welz revient avec Adoration, qui clôture sa saga thématique appelée “la trilogie ardennaise”. Le réalisateur rôde à nouveau en terrain connu pour cette histoire d’amour juvénile et destructrice.

Paul, un jeune garçon solitaire, rencontre Gloria, la nouvelle patiente de la clinique psychiatrique où travaille sa mère. Tombé amoureux fou de cette adolescente trouble et solaire, Paul va s’enfuir avec elle, loin du monde des adultes…

Message from the King fut un bel exercice formel et m’avait réconcilié avec Du Welz réalisateur qui, depuis Calvaire, ne m’avait hélas pas fait une grande impression, réduisant mon attention à ses mésaventures de production dans les colonnes des mensuels spécialisés.

Il retrouve ici des partenaires habituels qui l’ont suivi depuis le début ou presque : le chef opérateur Manuel Dacosse, le compositeur Vincent Cahay, les scénaristes Romain Protat et Vincent Tavier, Christophe Pidre et Florence Scholtes aux costumes… pour conter cette histoire qui reste dans ses sujets de prédilection que sont les frontières fines entre fascination et répulsion, les éclats de passion comme de violence, et ces plans parfois obsédants sur les visages de ses protagonistes.

En ce sens, le choix de Fantine Harduin et d’Anaël Snoek pour jouer Gloria et la mère de Paul sont judicieux : si le film n’épouse pas leur point de vue, qui reste étranger au jeune garçon, c’est cette altérité du féminin qui est mise en exergue, déjà en germe dans le comportement de Simone envers son fils, très malsain et possessif.

Magnifié par l’usage du 35mm, la mise en image d’Adoration est impressionnante, magnifiant les décors naturels filmés en Belgique et les jeux de cadres sur les visages des protagonistes, participant à cette ambiance à la fois inquiétante et solaire que l’on peut ressentir. A ce titre, le film n’est pas si généreux en terme de contenu narratif, préférant se concentrer sur les différents voyages (émotionnels comme physiques) de ses personnages.

Un aspect qui pourra rebuter certains, puisqu’Adoration compte beaucoup sur l’expérience du spectateur pour remplir les blancs, trouver des raisons et/ou des explications à ce qu’il lui est donné de voir, faisant du métrage une œuvre qui demande au public plus qu’elle ne lui donne.

N’étant pas quelque chose qui me dérange outre mesure, cela m’a permis d’apprécier ce dernier-né de Du Welz comme ce qu’il est : une errance esthétique et vaguement ésotérique, à la fois majestueuse tout en ayant les pieds pris dans la boue d’un réel auquel elle souhaite échapper.

Comme pour contrebalancer ce manque que certains pourraient éprouver, l’édition vidéo du film sortie le 2 juillet possède comme bonus, outre deux scènes coupées et une bande annonce du film, une masterclass de Fabrice du Welz à la Femis. D’une durée de plus d’une heure vingt, elle donne un bel aperçu du point de vue du réalisateur et les motivations derrière ses films. Un bel ajout de la part de The Jokers qui privilégie la qualité à la quantité sur ses galettes.


■ Adoration ■ Réalisé par Fabrice Du Welz ■ Sortie française le 22/02/2020 ■ Durée : 98 minutes ■ Avec Thomas Gioria, Fantine Harduin, Benoît Poelvoorde…