Light of my life

Dix ans après le mockumentaire I’m still here réalisé en collaboration avec Joaquin Phoenix, Casey Affleck revient au cinéma avec Light of my life :

Dans un futur proche où la population féminine a été éradiquée, un père tâche de protéger Rag, sa fille unique, miraculeusement épargnée. Dans ce monde brutal dominé par les instincts primaires, la survie passe par une stricte discipline, faite de fuite permanente et de subterfuges. Mais il le sait, son plus grand défi est ailleurs: alors que tout s’effondre, comment maintenir l’illusion d’un quotidien insouciant et préserver la complicité fusionnelle avec sa fille ?

Dans ce néo-western post-apocalyptique, Rag et son père se retrouvent dans un environnement délaissé de toute vie depuis la disparition des femmes. La nature semble aussi enveloppante, dense que dévoreuse par un climat qui n’a de pitié de personne. Les habitations laissent entrevoir les fantômes de vies passées où aucun espoir n’a subsisté. Pour sa deuxième réalisation, Casey Affleck plante un morne décor dans lequel les hommes prennent plus qu’ils ne construisent, aussi bien symboliquement que concrètement.

Le film s’ouvre sur une longue scène de conte entre Rag et son père, à l’abri dans l’intimité de leur tente. Ce moment touchant révèle aussi la relation problématique dans laquelle il maintient sa fille. La figure du père n’échappe pas au poncif de la possessivité, très présent dans le cinéma américain. Bien qu’en lutte face à un monde devenu hostile, on se demande à plusieurs reprises si la pression permanente qu’il inflige à Rag ne fait pas de lui un danger supérieur à l’altérité de l’extérieur.

Au même titre, la peur du viol n’est jamais clairement énoncée, et la vocalisation du mot inexistante… On a l’impression que la disparition des femmes a entraîné dans sa chute des angoisses pourtant viscérales pour chacune d’entre nous dans cet univers. Au même titre, le point de vue de Rag est occulté pour laisser toute à la place à la performance de paternel inquiet, gauche voire bizarre de Casey Affleck, ce qui n’est pas suffisant dans un film doté d’aussi belles intentions.

La personnalité de Rag se manifeste uniquement dans les conflits avec son père, laissant ainsi planer que seule l’incompréhension persiste entre homme et femme dans ce futur. Cette sensation de blocage planera même dans les rares interactions sociales que vivront le binôme. La seule autre figure féminine qui existe est celle de son épouse et mère de Rag, interprétée par Elisabeth Moss, figée dans des souvenirs amoureux et douloureux du père.

Une décennie après des accusions d’agressions sexuelles, Casey Affleck offre avec Light of my life une tentative de rédemption souffrant cruellement d’une approche plus frontale des atteintes au corps féminin. Il aurait été intéressant que le réalisateur-scénariste s’éloigne du vanity project pour laisser place à un point de vue plus inclusif. Le film fait aussi place à une esthétique léchée portée par une belle photographie signée Adam Arkapaw (Macbeth, Animal Kingdom) et une mise en scène bien menée, ce qui est plutôt agréable à découvrir.

Malgré mes fortes réserves sur le fond, Light of my life est désormais en salles et peut ouvrir d’importantes discussions de société. C’est le moment d’être à l’écoute de votre entourage féminin et de confronter les points de vue dans le plus grand des calmes.


■ Light of My Life ■ Réalisé par Casey Affleck ■ Sortie française le 12/08/2020 ■ Durée : 132 minutes ■ Avec Casey Affleck, Anna Pniowsky, Elisabeth Moss…