Manga : Tokyo River’s Edge

Avec une population de consommateurs qui vieillit forcément, c’est désormais le marché du seinen qui s’emballe au fur et à mesure des années, ce qui se voit avec l’arrivée de séries comme ce Tokyo River’s Edge, publié en France par Delcourt Manga. 
Scénarisée par Yuho Hijikata et illustrée par Akio Tanaka (Coq de Combat), cette série mets en scène un trio de personnages gérant l’agence de détectives privés Ôkawabata, entre le vieux boss, chauve et roublard, Muraki, le jeune détective ténébreux et efficace et la jeune Megumi, leur secrétaire. Dans leur bureau qui surplombe le fleuve Sumida, ils résolvent des affaires diverses et variées dont le point commun est un ancrage fort avec le quotidien. 
Car notre fine équipe, au fil des cinq tomes publiés, aura à faire avec de nombreuses légendes urbaines et histoires du passé, parfois terribles, parfois horribles, souvent truculentes et pleines d’émotions. Et c’est par une ambiance inspirée du film noir que se déroulent les histoires souvent brèves, dont le graphisme est toutefois plus dépouillé que la série Coq de Combat, aussi dessinée par Tanaka.
C’est donc une synergie assez étrange qui se fait entre la manière de mettre en scène les histoires, proche d’un axe un peu “gonzo-journalisme” et ce sont de nombreuses cases sur les visages qui cèdent la place au décors, qui s’épargne en fin de compte le poncif habituel du “entre tradition et modernité”, qui est toujours LE recours facile dans ce type de manga. 
Et vous en verrez des tronches différentes dans cette série, car avant même de rentrer dans le vif du sujet, ce sont ceux des clients qui viennent raconter leur tracas qui est longuement mis en scène, avant de basculer sur des cases plus larges qui illustrent le récit forcément subjectif qui donne son point de départ à l’enquête du moment. 
Et c’est en fin de compte plus un manga qui évoque son ambiance via ses visages que par ses environnements, dont la formule est assez immuable : client, enquête, bilan de l’enquête, dont certaines ne s’achève parfois pas comme on pourrait le croire, ce qui pourra hérisser les amateurs de narration complète, le rôle de nos enquêteurs cessant dès que le client obtient ce qu’il veut. 
  
Le nombre de planches d’une histoire de Tokyo River’s Edge est si peu élevé que je les aurais bien imaginé en encart dans un journal quotidien ou un hebdomadaire, en un équivalent plus élaboré des strips humoristiques, avec toujours ce côté actuel qui confère un certains réalisme aux personnages et aux situations dépeintes. .

C’est presque dommage que la série semble s’être s’achevée depuis 2009, au bout de cinq tomes (même si mon portefeuille me remercie), car la formule développée par Hijikata et Tanaka aurait pu être déclinable sur bien plus de cas, profitant du côté morcelé des affaires pour se permettre de distiller au fur et à mesure une affaire plus grande et ambitieuse… mais Tokyo River’s Edge n’est pas cette série.

D’ailleurs, ce désir de rester petit ne lui donne que plus de préciosité à l’heure où d’autres mangakas ponctionnent le budget bande dessinée avec une régularité d’horloger suisse. Du coup, vu son faible nombre de volumes, je ne peux que vous conseiller cette oeuvre plus étrange que noire, qui m’a fait réfléchir au statut de l’histoire courte de détective, un genre assez peu en vogue dans le manga (et qui a d’ailleurs fait son chemin jusqu’au petit écran).


■ Tokyo River’s Edge   ■ Paru depuis le 24/09/2014   ■ Ecrit par Yuho Hijikata et dessiné par Akio Tanaka   ■ Paru aux Editions Delcourt manga, collection seinen   ■ 190 pages le tome
■ Cinq tomes publiés (série dormante)