Indiana Jones et le Retitrage Sauvage

Après la lecture d’un article à propos d’une ressortie Imax (?) de Raiders of the Lost Ark et un rapide échange avec Kwyxz (qui a expliqué il y a peu l’arnaque que pouvait constituer les fausses projections Imax), je me suis rendu compte d’un détail. Le diable (ici, George Lucas) étant dans les détails, voici l’histoire d’un retitrage bien sauvage orchestré par un homme qui n’a vraiment rien d’autre à faire.
A avoir lu de cet article de Devin Faraci sur Badass Digest concernant la ressortie de Raiders, ce dernier semblait surpris par l’appellation suivante du film : Indiana Jones and the Raiders of the Lost Ark. Faisant par la suite passer l’article à Kwyxz, qui est de la même génération que ce journaliste, il m’a fait lui aussi part de son étonnement face à ce retitrage.
Pour les plus jeunes, je précise que le premier film Indiana Jones, lors de sa sortie cinéma et de son exploitation vidéo jusqu’aux années 2000, était simplement nommé Raiders of the Lost Ark (Les Aventuriers de l’Arche Perdue en VF), comme l’en attestent l’affiche ci-dessous.

Notez le « Raider » dans la future police de caractère exploitée pour le personnage 
A la fin des années 90, George Lucas, alors en pleine production de sa future trilogie Star Wars, décide de relancer Indiana Jones en utilisant de manière canonique la série télévisée Young Indiana Jones Chronicles, bien que celle-ci soit inachevée. (Les aventures de ce jeune Indiana Jones devaient prendre fin  à ses 24 ans or, l’annulation de la série par ABC puis par The Family Channel n’a permis que d’aller jusqu’à ses 21.)
En premier lieu, les aventures de notre héros ont été numérotées dans le sens chronologique en retitrant et remontant au passage la série télévisée Young Indiana Jones Chronicles en des téléfilms nommés The Adventures of Young Indiana Jones, ce qui donne comme première aventure à notre héros ceci : « Chapter 1- My First Adventure (Egypt 1908/Tangiers1908)», ce qui relègue nos films préférés bien loin puisque Temple of Doom, qui se déroule en 1935, se retrouve Chapter 23, Raiders en 24 et The Last Crusade en 25 !

Les jaquettes des VHS par Drew Struzan.
On peut lire en bas de celles-ci “Chapter X of the Complete Adventures of Indiana Jones”
Le vieux George en profite au passage pour renommer au passage le premier film en Indiana Jones and The raiders of the Lost Ark, certainement pour « homogénéiser » les titres des films sur l’ensemble de la trilogie d’alors, comme ce fut le cas pour ses Star Wars et leurs titres à rallonge, à l’image de Star Wars Episode1 – The Phantom Menace.
Plus intéressant encore, chacun sait qu’à la sortie de The Empire Strikes Back, George Lucas avait fait ajouter le désormais célèbre « Chapter IV » avant le titre A New Hope, pour se coordonner avec le « Chapter 5 » de sa suite, une chose qu’il n’a pu faire sur Raiders pour plusieurs raisons.

L’apparition du titre lors de l’ouverture de Raiders of the Lost Ark
Raiders s’ouvre sur une séquence où finit par apparaître le titre avec une police à double empattements, en superposition avec la silhouette du personnage principal qui s’avérera être Indiana Jones. Ajouter son propre nom à ce moment là aurait été encore plus stupide, tout en annulant cet effet de mise en scène, ce manifeste même de ce qu’est le film, un retour aux sources du film d’aventure.
De la même manière, on ne retrouve pas cette même utilisation du titre dans le film suivant mettant en scène l’homme au chapeau puisque celui-ci relate des faits antérieurs à Raiders, le titre lui-même rendant hommage à une idée du film de jungle, avec de plus une reprise telle quelle de la police du titre du film.
L’apparition du titre lors de l’ouverture de Temple of Doom
Si on veut creuser cette symbolique de préquelle, certains spectateurs ont été surpris d’y trouver un Indy plus incisif, pillard et courant après la fortune et la gloire, quelque chose dot il se débarrassera durant le film pour sauver les enfants et se ranger du côté de la compréhension du sacré, bien avant de mettre la main sur l’arche d’alliance quatre ans plus tard.
Mais je m’égare ! Nous retrouverons cette fameuse police à double empâtement dans les deux films suivants, Last Crusade et Kingdom of the Crystal Skull, effet qui induit donc une continuité entre l’original et ses suites de 1991 et 2008.

L’apparition du titre lors de l’ouverture de The Last Crusade
Plus spécifiquement, on peut noter que le nom du héros apparaît dans ces deux cas, mais celui-ci est soit non-identifiable, soit absent de ses séquences d’ouverture. On découvre en effet dans Last Crusade que l’un des scouts est un jeune Indiana après plus de 3 minutes de film, tandis que le vieil Indy de Kingdom of the Crystal Skull est complètement invisible lors des 5 premières minutes pour finir par être extirpé d’un coffre de voiture, son ombre apparaissant tout d’abord sur cette même voiture.

L’apparition du titre lors de l’ouverture de Kingdom of the Crystal Skull
George a donc voulu conformer à sa vision des films qui ne sont pas entièrement les siens, d’où un résultat franchement navrant. Et vous savez quoi ? Cette vraie fausse intégrale des aventures d’Indy n’a tellement pas été plébiscité que les volumes qui restaient à sortir ont été purement et simplement annulés.
Mais comme les choses les plus stupides sont celles qui partent le moins vite, Indiana Jones and The Raiders of the Lost Ark est resté lui, gravé depuis sur toutes les sorties vidéos et ce jusqu’au blu-ray alors même que le film est correctement nommé dans les listings et nomenclatures !

On peut parfaitement lire “Indiana Jones and The Raiders of the Lost Ark”
Pourquoi ?
Comme rien ne se perd, les épisodes remontés de la série finiront par sortir en 3 box de 7/8 DVD chacun, causant un petit torrent d’indignation chez les fans puisque les épisodes originaux jouissaient d’une introduction et d’une conclusion se déroulant de nos jours où un vieil Indy borgne (joué par George Hall) narrait en fait ces mêmes aventures à un duo de jeunes garçons, tout en indiquant qu’il a été père d’une fille (?).
Autant d’éléments non-canoniques insupportables pour Lucas, qui s’est vite débarrassé d’un tel affront alors que la préparation de Kingdom of the Crystal Skull commençait à se dessiner…

L’intégrale DVD de la série. Pas la meilleure série du monde, mais certains épisodes sortent du lot.

Aujourd’hui, avec la ressortie de la saga au format blu-ray, l’apparition de ce retitrage aussi sauvage que débile, symbole de l’affirmation d’un canon incomplet et raté, reste toujours incompréhensible pour le spectateur.