Burning

Burning, réalisé par Lee Chang-Dong, était une des grosses attentes de l’été dernier. L’ayant loupé suite à un planning chargé, j’ai pu rattraper le coup grâce à une séance dans le cadre du Festival Télérama et ma patience fut largement payante en regard de la découverte tardive du film.

Lors d’une livraison, Jongsu, un jeune coursier, retrouve par hasard son ancienne voisine, Haemi, qui le séduit immédiatement. De retour d’un voyage à l’étranger, celle-ci revient cependant avec Ben, un garçon fortuné et mystérieux. Alors que s’instaure entre eux un troublant triangle amoureux, Ben révèle à Jongsu son étrange secret. Peu de temps après, Haemi disparaît…

Le film nous expose la relation à la fois complexe et cynique du trio entre Jongsu, Haemi et Ben. Jongsu (Ah-In Yoo) jongle entre des missions de coursiers et ses problèmes familiaux qui l’amène à s’occuper de la maison de son père. Haemi (Jong-seo Jun) est une hôtesse pour des marques commerciales qui cherche à s’en sortir en se faisant remarquer. Ben (Steven Yeun) est “l’ami” providentiel d’Haemi à son retour d’un voyage en Afrique, et navigue avec aisance dans un milieu privilégié, se décrivant lui-même comme étant “payé pour s’amuser”.

Burning

Les portraits de nos trois protagonistes se révèlent en creux par le biais de dialogues minimalistes et de jeux de regards. On les sent tous les trois claustrés dans des itérations plus ou moins brutales de la solitude moderne, depuis la précarité de Jongsu à la tour d’ivoire superficielle de Ben. Les échanges entre Ben, subtilement interprété par Steven Yeun, et Jongsu se font toujours sur un fond de mépris de classe et de double jeu, traduisant ainsi la violence sociale entre les deux hommes.

Le personnage d’Haemi se dévoile à la fois par sa présence et s’épaissit en son absence. On la découvre pétillante, bavarde et toujours en quête de construire sa légende autour du puit, une anecdote d’enfance qui la lie à Jongsu. Elle représente l’archétype de la jeune femme moderne cherchant à briller par sa seule personnalité. Sa disparition va amener, par le biais de l’enquête de Jongsu, une certaine amertume teintant la vision que l’on s’est forgé de Haemi, que ce soit par ses rapports compliqués avec sa famille ou par sa frappante solitude.

L’enquête de Jongsu et ses rapports à Ben poussent le personnage dans ses retranchements, dans des espaces hostiles par nature et par structure sociale. Le décalage et la gêne en présence des ami.e.s de Ben sautent aux yeux, tandis que sa quête d’Haemi l’emmène dans une nouvelle exploration de grands espaces qui lui sont pourtant familiers. Ces différents moments montrent au fur et à mesure les réelles intentions de Ben…

Burning

Ces différentes ambiances laissent une grande part à la musique, composée par Mowg, qui cisèle le ressenti et la psychologie des personnages. On passe ainsi de morceaux légers à une utilisation de nappes synthétiques appuyées de percussions qui plongent le spectateur sous pression.

Baigné dans une lumière tantôt bleutée tantôt crépusculaire, Burning pose un regard mélancolique, poétique mais sans fard sur la société coréenne moderne, et est à ce jour le film qui dépeint le plus justement cette exaltation du système de représentation comme couverture d’une dure réalité ressentie par les individus qui la composent. Le film avait provoqué du débat lors du dernier festival de Cannes mais trêve de mondanité, le mieux étant de s’y plonger et de l’approcher de plus près.

Adapté de la nouvelle “Les Granges Brulées” d’Haruki Murakami, Burning constitue un point d’entrée idéal pour se plonger dans le livre mais peut aussi se suffire à lui-même tant sa narration contenue est satisfaisante.


■ Burning  ■ Réalisé par Lee Chang-Dong  ■  Sortie française le 29/08/2018 ■ Durée : 188 minutes   ■ Avec Yoo Ah-In, Steven Yeun, Jeon Jong-seo…