Critique : Jolies Ténèbres

Aujourd’hui, je vais vous parler d’une bande dessinée qui m’a percuté lors de sa découverte : Jolies Ténèbres de Kerascoët et Vehlmann.

On y suit y Aurore, une petite femme à robe à pois bleus et Hector, son prince de conte de fées, qui se retrouvent obligés de sortir de leur royaume : le corps d’un petite fille morte. Seulement voilà, cette construction d’une nouvelle vie à l’extérieur va demander à Aurore de faire des choix pour sa communauté et pour sa propre survie.
Le binôme Kerascoët nous livre un univers tout en aquarelle chatoyante et des personnages d’une grande diversité graphique. Autour d’Aurore, on trouve aussi bien des petits jumeaux tout droit d‘Alice aux Pays des Merveilles qu’une poupée de porcelaine à l’appétit gargantuesque.
Chaque page est un régal pour les yeux, l’environnement naturel où évoluent les protagonistes est illustré avec une précision et une lumière qui forcent le respect. Il en ressort d’ailleurs un décalage entre le design enfantin presque minimaliste des petits êtres et les détails sauvages de la Nature.

Mais qui sont tous ces personnages ? Des souvenirs, des émotions, des créations de l’imagination de la petite fille ? La narration laisse libre interprétation à ce sujet, et c’est ce qui donne à l’album cette tonalité si spéciale.
Ne vous fiez pas à l’apparence sucrée de cette minuscule communauté, l’acidité a elle aussi sa part via des manifestations de violence surprenantes et absurdes . Le personnage de Zélie, une jeune blonde sauvée par Aurore au début de leur périple, se transforme au fil du temps en une pimbêche capricieuse prête à tout pour assouvir le moindre de ses désirs. Elle asservit ainsi autour du culte de sa personnalité un groupe entier.

La très pimbêche Zélie dans ses œuvres morbides.
Cette violence s’exprime par des actes gores liées aux conditions de survie des personnages, mais toujours en relation profonde avec un côté mythologique très proche du conte classique dans sa mise en scène.

On revient aux fondements même du gore malgré l’aspect cartoon des personnages, car malgré le grotesque, l’horreur est bien présente ( ce qui était aussi le cas, dans une certaine mesure, dans l’excellent Hérakles d’Edouard Cour).

En filigrane, l’histoire de la mort de la petite fille apparaît toute en subtilité mais je ne vous en dirai pas plus car j’ai envie que vous vous rendiez chez votre libraire préféré pour que vous vous le procuriez au plus vite.

Jolies Ténèbres est une lecture dont je ne suis pas sortie indemne et que je vous recommande chaudement. Cette bande dessinée peut être abordée par un jeune public, la narration renvoie à une violence primale que l’on retrouve dans les contes de notre enfance.

Cette évocation parle à tout les publics et permet d’ouvrir des échanges sur les thématiques abordées par cette bande dessinée. Le scénariste Fabien Vehlmann a d’ailleurs apporté une réponse complète à ce sujet sur son blog


■ Jolies Ténèbres   ■  Publié le 8 mars 2009   ■ Ecrit par Fabien Vehlmann et dessiné par Kerascoët   ■ Publié par Dupuis   ■ 94 pages