Critique : Capitaine Phillips


La filmographie de Paul Greengrass a toujours fait débat chez Grawr : l’esclave adore, la chef ne goûte que très peu à ses escapades dans l’univers de Jason Bourne, lui préférant ses films ayant des sujets plus proches des gens. C’est donc déjà partagé que nous sommes allés voir le dernier né du réalisateur britannique. 

Basé sur des faits réels (en fait le livre dudit Capitaine, nommé “A Captain’s Duty: Somali Pirates, Navy SEALS, and Dangerous Days at Sea”, donc déjà une interprétation de la situation, quoi qu’on en dise), le film s’attache au personnage joué par Tom Hanks, qui va se retrouver en situation extrême au large des côtes somaliennes, entre des pirates acculés et un équipage qu’il cherche à préserver de la prise en otage jusqu’à ce que la chose lui arrive personnellement. 

Spécialiste de la mise en scène de ce type de récits (Bloody Sunday, Vol 93), Paul Greengrass sait quelle ficelle tirer pour rendre son histoire palpitante, avec des scènes d’un suspense brillamment géré, entre les parties de cache-cache pour sauver l’équipage du Maersk Alabama et les confrontations verbales qui opposent Phillips (Tom Hanks, oscarisable) et Muse (l’inquiétant Barkhad Abdi) qui peine à tenir ses hommes tout au long du film. 
Si l’on peut se plaindre des plans trop serrés sur les visages dans le cinéma contemporain, celles-ci prennent complètement leur sens dans un film comme Capitaine Phillips, que ce soit en terme d’interprétation des acteurs que pour capter le poids de la lumière et des environnements sur leurs regards. On peut en cela trouver la lumière du film, pourtant très naturelle, qui pousse les limites techniques de la caméra employée lorsqu’elle pénètre les tréfonds du Maersk Alabama 
Et c’est toute l’intensité du cinéma de Greengrass de nous impliquer autant dans une histoire qui aurait pu être représentée sous forme de pseudo-reportage à coup de voix off, le film se permettant quelques divergences de points de vue en faisant partager un peu du quotidien des pirates et la pression qu’ils subissent pour aller flibuster. 
Plus impressionnant encore étant le point de vue quasi muet des Navy SEALS, dont seul leur chef (froidement incarné par Max Martini) annonce leur plan, le reste n’étant qu’une opération à la mécanique meurtrière dans laquelle le capitaine, à présent otage, essaye de son mieux d’entrer afin de rester en vie.
Au final, la seule chose que l’on peut reprocher à Capitaine Phillips, ce serait sa possible difficulté au revisionnage, le suspens étant tellement haletant que l’on sort fatigué de la séance et en présence d’informations qui font baisser la tension du métrage. Restent un montage parfait et des interprétations marquantes qui nous démontrent, s’il le fallait encore, que Paul Greengrass reste l’un des meilleurs dans ce type de filmage à l’arraché, sans jamais perdre ni le spectateur ni le fond du film.       
Donc, contre toute attente, nous sommes ressortis d’accords de la salle de cinéma, puisque Capitaine Philips nous a plu, et ce pour les mêmes raisons qui sont citées ci-dessus. Nous conseillons donc la vision du film en salles plutôt qu’en vidéo, le grand écran étant tout de même un sacré plus pour apprécier la tension du récit. 


■ Capitaine Phillips   ■ Sorti le 20 novembre 2013  ■ Réalisé par Paul Greengrass   ■ Avec Tom Hanks, Barkhad Abdi, Barkhad Addirahman …
■ Durée : 134 minutes   ■ Disponible en vidéo