Critique : Borgman

Poster par Brandon Schaefer pour la sortie du film au Alamo Drafthouse.

Après une émission de Tracksun entretien décalé était consacré à Alex Van Warmerdam, je me suis jeté à l’eau et suis allé voir son nouveau film, Borgman
Un vagabond vivant dans les bois, Camiel Borgman, jette son dévolu sur une maison moderne à l’orée de la forêt, où vivent Marina et Richard, un jeune couple bourgeois et leur enfants. Borgman va alors s’immiscer progressivement dans leur quotidien et ainsi prendre le dessus sur leur foyer. 

Lors de l’installation de Borgman dans la vie du jeune couple, un sentiment de paranoïa s’installe, ce qui apporte du piment et de l’intensité au jeu des acteurs. Hadewych Minis (Marina) et Jan Bijvoet (Camiel Borgman) nous donnent une interprétation juste et investie de leurs rôles tout en se renvoyant des dialogues cinglants sur leurs statuts respectifs dans le film. Cette paranoïa m’a permis de laisser mon imagination vagabonder quant à la véritable nature des intentions du vagabond et à formuler plusieurs hypothèses derrière ses agissements.
La mise en scène est posée, à l’image de la bourgeoisie tranquille dans laquelle s’est installé notre couple de  protagonistes. Le foyer est plus utilisé pour sa fonctionnalité narrative que pour son esthétique façon “maison témoin”, ce qui n’étonne guère quand on sait que la maison a été fabriquée pour le tournage du film. Les pièces clés sont la salle de bain où son immense baignoire sert à la réflexion des personnages, la cuisine où les sentiments s’exacerbent et la chambre des enfants, où Camiel les reconnecte avec la tradition du conte oral.
On peut rapprocher le film des “home invasion” à l’américaine, sauf qu’ici tout se déroule dans une certaine quiétude. Le plan initié par Borgman se déroule sans que personne dans le foyer ne s’y oppose réellement, ce qui fait naître chez le spectateur une certaine perplexité. Pour ma part, j’ai choisi d’aborder cette partie du film de façon pragmatique, Borgman étant le prédateur qui a consciencieusement choisi ses proies en Marina et Richard. Partant de ce principe, rien ne peut l’arrêter et tout est calculé avec une certaine froideur, renforcée par la passivité des autres personnages. 
Je vous recommande de voir ce film, ne serait-ce que pour vous forger votre propre opinion. J’ai préféré toute sa première partie, qui déroule l’intrigue dans une suggestivité quasi fantastique, à la seconde, où l’action se déroule avec une précision métronomique moins savoureuse. Alex Van Warmerdam, amateur de jupe écossaise, sait laisser son spectateur pantois et je pense que chacun peut trouver son compte dans son dernier film.