Avec sa bande-annonce pour le moins intrigante et la présence d’une Karine Viard assez angoissante, cet aperçu du film m’a donné envie d’aller plus loin et de découvrir la mélodie intérieure de cette Chanson Douce.
Paul et Myriam ont deux enfants en bas âge. Ils engagent Louise, une nounou expérimentée, pour que Myriam puisse reprendre le travail. Louise se montre dévouée, consciencieuse, volontaire, au point que sa présence occupe une place centrale dans la famille. Mais très vite les réactions de Louise deviennent inquiétantes.
Le film s’ouvre sur le personnage de Myriam, justement interprétée par Leïla Bekhti, énonçant en voix off sa submersion dans son rôle de jeune mère accompagnée d’un puissant désir de mort vis-à-vis de ses propres enfants. Cette relation négative à la maternité va évoluer par détachement progressif, lié dans sa vie à la place de son travail d’avocate.
La distance sociale rejaillit à l’écran avec des plans où Myriam se retrouve éloignée physiquement de ses enfants par ces différents écrans utiles à son travail. Ils se retrouvent ainsi dans la même pièce, tout en étant affectivement loin du personnage. La mise en place de ce vide permet dès lors au personnage de Louise de s’installer dans cette dynamique comme un double inversé intrusif.
Louise rentre dans la vie de famille de Paul et Myriam telle une image surannée de la nounou. Avec ses derbies rouges et son tablier, on la croirait sortie d’un manuel de bonnes manières, mais sous ses atours bienveillants se cache une forme d’ogresse maternelle dévorant chaque moment d’intimité.
La mise en scène de Lucie Borleteau se place au plus près des corps lors de ses échanges et câlins avec les petits, et aussi dans une certaine mesure avec les parents. Cette monstration délibérément charnelle installe petit à petit le malaise, jusqu’à l’inévitable.
L’entourage de Louise est principalement composé d’autres nounous qui emmènent les enfants de leurs employeurs au parc. Celui-ci est l’endroit le plus vivant du quotidien de Louise où elle y rencontre Wafa, la seule personne qui va se montrer naturellement sympathique et ouverte avec elle.
On peut d’ailleurs saluer la performance de Rehab Mehal qui m’a rappelé la nounou de mon enfance au travers de sa générosité, sa décontraction et son franc-parler. L’univers de la garde d’enfant est dépeint avec précision dans les habitudes et rituels pour le bien être des enfants. Rituels allègrement twistés par Louise, vous imaginez bien !
Chanson Douce arrive à explorer les zones sombres de la maternité au travers de Louise qui prépare les enfants comme la sorcière d’Hansel et Gretel, et en parallèle invite le spectateurs à s’interroger sur le rapport entre maternité et modernité avec Myriam.
Ce film m’a donné envie de découvrir le roman original, mais je ne vous cache pas qu’un stade de décompression s’impose avant d’entamer la lecture. Il est important que le regard sur les mères évolue, et Chanson Douce peut s’associer à une vision d’un stand up d’Ali Wong qui sait en rire, mais on y retrouve ce ton cru sur une thématique encore socialement tabou. Donc allez-y, mais soyez prêts !
■ Chanson Douce ■ Réalisé par Lucie Borleteau ■ Sortie française le 27/11/2019 ■ Durée : 100 minutes ■ Avec Antoine Reinartz, Karin Viard, Leïla Bekhti…