Série : Narcos (saison 1 & 2)

Si Netflix fait son beurre avec les poids lourds que sont les séries Marvel et les succès surprises comme Stranger Things, l’arrivée plus médiatisée de la saison 2 de Narcos me donne l’opportunité de parler de la série, qui reste tout de même plus connue ici que la mésestimée Club de Cuervos
Déjà renouvelée pour deux saisons supplémentaires, Narcos a établi ses 20 premiers épisodes grâce au personnage de Pablo Escobar, une figure bien reconnaissable du trafic de drogue des années 80. 
Mais au-delà du nom et du personnage, la série se retrouve à devoir vulgariser un grand nombre de fait et d’événements, une tâche qui échoit à Boyd Holbrook, jouant John Murphy, un agent de la DEA qui, via une voix off ironique et pas trop envahissante, restitue les enjeux et les tensions de la Colombie de l’époque tout en gardant un point de vue cinglant sur l’aspect politique des actions des uns et des autres.
Les saisons 1 et 2 de la série voient donc passer l’ascension, l’apogée et la chute d’Escobar, que l’acteur brésilien Wagner Moura joue avec une sacrée conviction. Mais autour de lui se déploie un ballet de performances loin d’être déshonorantes, desquels s’extirpent Pedro Pascal en agent de la DEA qui vend son âme aux paramilitaires, Maurice Compte en colonel Carillo, adepte de méthodes glaçantes ou encore Raúl Méndez, qui joue un président Gaviria coincé entre les pressions américaine, les guérillas et la popularité d’Escobar auprès du peuple colombien. 
Plus loin dans la série les prestations de Cristina Umaña, trafiquante isolée qui se confronte à la prise de pouvoir plus agressive du cartel de Cali, et une Paulina Gaitan plus seule que jamais en Tata Escobar, qui porte sa famille sur ses épaules alors que son mari est en fuite. 
A côté de ces excellentes performances, la réalisation sait se faire tantôt discrète, tantôt plus directive, ce qui permet d’emballer certaines jolies séquences d’action lors des confrontations musclées entre les différentes parties en présence, la saison 2 nous gratifiant même de l’attaque d’une cachette d’Escobar au fil de plans séquences très efficaces. 
Si les décors sont souvent assez ternes, il permettent sans mal de participer à l’évocation de la Colombie de l’époque, et on reste pantois devant l’ingéniosité des trafiquants pour faire passer la drogue sur le territoire américain des années Reagan. 
Si Escobar a un goût plus que discutable en matière de pull, ça fait partie du réalisme du personnage.
De même, l’absence d’un côté trop “paradisiaque/tourisme” m’a donné une impression de réalisme plutôt bienvenue, d’autant plus que la stylisation de la photographie est déjà bien suffisante, puisque calquée sur les deux premiers épisodes, par ailleurs mis en scène par José Padilha (Tropa de Elite, Robocop).  
Tournée sur place à Bogotá ou encore Medellín, là où Escobar fut à l’époque le roi, Narcos tente dès la début de sa saison 2 de s’émanciper de l’ombre du parrain, en montrant les autres antagonistes, depuis les paramilitaires de droite et le cartel de Cali, qui formeront la milice Los Pepes, car la série a eu la brillante idée de se nommer Narcos, et se poursuivra donc donc après la mort d’Escobar, qui aura été une entame de luxe bien sympathique. 
Renouvelée pour deux saisons supplémentaires, Narcos a la possibilité de continuer à raconter les glorieuses années du Cartel de Cali et sa chute du milieu des années 90, tandis que la série évoque sans détour les multiples interventions d’une CIA poisseuse, que seul le chaos de l’Amérique Latine obsède, toujours pressée par la peur d’un communisme hérité des années Reagan.  
Avec son visuel de série B, Narcos ne paie pas forcément de mine pour le téléspectateur européen, mais pensez-y : alors que les latino-américains produisent ce type de spectacle, chez nous, on peine à sortir un étron dit “de prestige” comme Marseille, c’est dire ce que l’on a encore à apprendre… 


■ Narcos   ■ Créée par Carlo Bernard, Chris Brancato, Doug Miro, Paul Eckstein
■ Sortie mondiale le 28/08/2015   ■ Durée d’une saison : 10×50 minutes
■ Avec Wagner Moura, Boyd Holbrook, Pedro Pascal…   ■ Disponible sur Netflix : oui