L’histoire : Dans un futur proche où la Terre est menacée par une puissance extra-terrestre ayant pris possession de l’Europe, l’officier en communication Cage se retrouve envoyé de force sur le champ de bataille par ses supérieurs pour y réaliser des vidéos de propagande lors d’un débarquement de grande envergure sur les côtes françaises.
Un tel choix esthétique dénote alors que l’on a vu ces dernières années des films où la monstration et démonstration mécanique étaient le principal argument de vente. Dans Pacific Rim et Transformers, les rouages rutilent pour le plus grand plaisir du spectateur mais dans Edge Of Tomorrow c’est une histoire où seuls les rouages de la narration comptent.
Cage grandit et meurt à chaque étape de l’entrainement jusqu’à en devenir attachant. Au départ, il est imbu de lui-même et on finit par l’apprécier au fur et à mesure de son entrainement. Son évolution est parsemé d’une pointe d’humour noir prenant parfois la forme de gags slapstick, on ne peut du coup s’empêcher de rire lorsque paf…un camion hors-champ vient frapper notre héros.
En parallèle, on sent bien que cette formation de soldat coûte à Cage en efforts et en sueur, ce qui apporte de la densité au personnage. Cette ténacité se développe et finit par rendre le attachant.
En face de lui, en tant que mentor, se trouve Rita, la « Full Metal Bitch », interprétée par une Emily Blunt qui est sans conteste pour moi l’excellente surprise de ce Edge Of Tomorrow. Son personnage est un subtil mélange de force et de nuances, son corps est dessiné de façon athlétique et son caractère s’exprime aussi par des moments de doute.
Surtout, ô merci, elle a sa propre ligne narrative ! L’intensité de cette guerrière qui dégage une certaine classe m’a fait revivre l’admiration que j’avais pour Sigourney Weaver dans Alien. Emily Blunt n’a pas à rougir de sa prestation et j’espère d’ailleurs que ce rôle lui offrira d’autres opportunités intéressantes de carrière.
L’on embarque donc dans l’histoire, accroché aux basques de Cage (Cruise, délicieusement détestable) qui officie en tant que communiquant pour l’armée, jusqu’à ce qu’un désaccord avec son général qui le veut en première ligne pour couvrir l’assaut final sur la côte françaises, le fasse finalement arriver…en première ligne de l’assaut sur la côte française, en tant que simple soldat aux commande d’un mécha sommaire dont il ne comprend aucune subtilité.
Dans le peu d’action qu’il arrive à accomplir, il tue une mystérieuse créature qui lui permet de revivre son dernier jour, ce qui va le conduire à apprendre à maîtriser ses armes et à être coaché par Rita Vrataski, l’héroïne de la précédente bataille, qui avait également pu jouir de ce pouvoir.
Le prod design est loin d’être moche, quand même. (credit Tim Browning) |
Le reste de l’intrigue suit peu ou prou celle du roman, avec comme ultime infraction un final plus douillet que celui écrit par Sakurazaka, qui mettait un peu la déprime. Il reste que les péripéties de cette version hollywoodienne sont très divertissantes, ce qui est grande partie dû à son casting, en tête duquel Emily Blunt s’impose avec aisance, secondée par un Cruise qui joue à fond l’enfoiré en transition vers le héros que le public veut qu’il soit…après s’être fait tué des milliers de fois.
Liman, qui livre un film correct sur deux, réussit là son coup avec comme cheval de Troie des ballets destructeurs et de longs plans de batailles qui permettent de montrer la montée en puissance de notre duo de héros, dans la plus pure tradition des jeux de tirs à la troisième personne.
Mais à côté de ces plans fabuleusement sympathiques, c’est le montage même du film qui est parfaitement brillant, alternant ces journées identiques sous toutes les émotions possibles, depuis l’humour le plus noir jusqu’à la fin la plus touchante en moins de deux heures, montre en main.
Avec la mode des films à rallonge, Edge of Tomorrow fait preuve d’un souffle rafraîchissant en ne cherchant ni à tirer à la ligne, ni à convoquer d’innombrables suites pour exister, ce qui relève de l’exploit à l’heure actuelle : il n’y aurait guère que la promotion à blâmer de la non-compréhension de ce qu’est le film, un symptôme de plus en plus visible de l’incompétence des personnes qui sont chargées de vendre l’oeuvre au public.
Les aliens auraient pu être bien meilleurs par contre. (credit Alex Mandra) |
Au registre même des faiblesses du film, l’on peut relever la musique de Christophe Beck, plutôt anonyme (là où un Alan Silvestri ou un John Powell s’en serait donné à cœur joie), une photographie grise/brune pas folichonne mais participant tout de même à la crédibilité de l’univers proposé et un mecha-design qui prend le parti de s’éloigner du cliché japonais en évoquant plus la fabrication en série de châssis pour tracteurs.
Bon, à la lecture de ces derniers paragraphes, vous êtes en train de penser qu’en fin de compte, je n’ai pas vraiment aimé ce que j’ai vu…mais c’est faux. J’ai trouvé le spectacle assez réjouissant et il n’y a guère que les antagonistes, coincé entre les insectes de Starship Troopers et les sentinelles de Matrix ayant fait une vague cure de stop-motion qui m’ont vraiment chiffonné.
Edge of Tomorrow est donc un spectacle particulièrement recommandable à rattraper d’autant plus facilement en vidéo après l’exploitation un peu foireuse dont a été victime le film dans les salles. Exploitation qui ne risque pas de s’arrêter avec la sortie vidéo puisque le film semble être victime d’un retitrage débile faisant passer son accroche, « Vivre, mourir, recommencer. » pour la première partie du titre, faisant passer « Edge of Tomorrow » pour la seconde partie.
Misère…
■ Edge of Tomorrow ■ Sorti le 4 juin 2014 ■ Réalisé par Doug Liman ■ Avec Tom Cruise, Emily Blunt, Bill Paxton… ■ 113 minutes ■ Disponible en vidéo le 22 octobre 2014 sous le titre « Vivre, mourir, recommencer. / Edge of Tomorrow »