Star Wars Episode VII – Le réveil de la force

Vous connaissez mon rapport à la saga Star Wars. J’ai longuement écrit sur le sujet depuis l’ouverture de Grawr et même passé la main sur le précédent point Star Wars à Muriel, ayant fait blocus sur les spoilers potentiels lors des dernières semaines d’attente avant la sortie du film.

Mais revenons un peu en arrière : lors de la nouvelle du rachat par Disney de Lucasfilm, j’étais assez circonspect mais content, car je n’imaginais pas Lucas continuer à battre le cadavre avec cette morbide constance, comme ce fut le cas avec la prélogie : son Star Wars n’était plus celui des origines, ni même celui des fans d’une quelconque époque.

Qu’il passe la main à des personnes qui sont plus talentueuses que lui et qui sauront peut-être faire de la franchise autre chose que ce qu’il en a fait était déjà en soi une petite victoire. La série animée Star Wars Rebels montrait déjà la direction qui semblait être prise, du moins en terme de visuel, en collant scrupuleusement aux idées de design de Ralph McQuarrie, quitte à manquer un brin d’originalité.

Il va falloir vous habituer à ces visages

Le choix même de JJ Abrams à la réalisation n’était qu’un indice de plus de la volonté de Kathleen Kennedy d’avoir aux commandes quelqu’un qui a été biberonné à la trilogie d’origine, si inspiré par la saga que lors de son passage sur le reboot de Star Trek, l’autre étendard de la science-fiction, on avait quelque peu du mal a reconnaître Kirk, Spock et consort.

En cheville, la succession de Michael Ardnt et de Lawrence Kasdan laissait présager quelque chose qui peut éveiller l’intérêt, surtout en apprenant que le draft de Lucas avait gentiment rencontré la corbeille : certainement son meilleur destin !

Mais revenons au film ! Comme chez Grawr on adore la VF, on a passé notre chemin au profit d’une séance en VOST (une excellente idée vu les retours des proches qui ont dû voir le film doublé en français) et la première impression au sortir de la salle fut extrêmement positive : les deux heures du film sont très rythmées, la musique de John Williams fait mouche et – une grande première pour un Star Wars depuis 30 ans ! – le casting est très investi !

On suit Rey, Finn et Poe avec une grande joie, même si leur voix en tant que personnage semble identique et transpire le style de Lawrence Kasdan, ce qui peut surprendre dans les premières minutes. Le déroulé narratif est donc balisé de nombreux tropes estampillés “Star Wars”, ce qui semble suffire à bon nombre de spectateurs pour le qualifier de soft reboot.

La très classe mais trop inexistante Captain Phasma, on en veut plus !

Pourquoi pas, mais ce serait nier que pour une grande partie de ceux-ci les cartes sont rebattues afin de subvertir ludiquement un certain nombre de situations qui auraient bien eu besoin d’une respiration, ce que le film d’Abrams ne s’accorde que très rarement. Car Le Réveil de la Force est un film qui est à l’image de l’appréhension générale qui le précédait : il a peur de l’échec, peur que l’on s’ennuie, peur d’être rapproché d’un film de la prélogie…

Et c’est tambour battant que le métrage se déroule, nous présentant de nouveaux personnages au pas de course, ce qui donne des séquences réjouissantes, comme cette évasion en TIE Fighter et les interactions entre Finn, le stormtropper qui veut fuir (en a-t-on jamais eu dans la saga ?) et Poe le pilote héroïque ultra positif (en a-t-on jamais eu dans la saga ?), très dynamiques, accompagnées par la musique de Williams, qui nous rappelle dans un coin de la tête : c’est ça, Star Wars ?

Oui, c’est ce que ça devrait toujours être, à savoir des personnages instantanément reconnaissables auxquels on s’attache et qui nous emmènent dans leurs péripéties, depuis la désolée planète Jakku jusqu’à la base Starkiller, dont les capacités destructrices nous rappellent à quel point l’ensemble de ce que regarde est stéroidé.

Car tout, dans ce nouvel épisode semble familier, mais aussi bien plus dangereux, comme ces stormtroopers qui visent mieux et massacrent un village entier, ces chasseurs TIE qui harcèlent le Faucon Millénaire lors d’une séquence de poursuite qui fait honneur à ILM, ou encore cet affrontement aussi bref que jouissif entre Finn armé d’un sabre laser et un trooper armé d’un tonfa électrique.

BB8, toujours au top !

Mais cette exaltation a un prix, bien sûr. Et il paie au niveau du développement des personnages, qui nous est donné par bribes via les prestations du casting, qui croit dur comme fer à ce qu’il joue (on peut remercier le talent d’Abrams pour réunir de telles têtes), ce qui nous fait oublier que Finn n’a qu’une place assez périphérique dans les événements qui voient Rey et Kylo Ren se confronter à la toute fin du film.

La présence de Poe est aussi finalement rachitique et son peu de temps d’apparition repose sur le charisme d’Oscar Isaac (et dieu merci, il en a), le tout au profit de l’autre fil narratif qui pousse le métrage, à savoir la recherche de Luke Skywalker et la vieille garde composée de Han Solo et Leïa et leur héritage qui a bien mal tourné.

Et c’est avec les connexions directes de nos deux héros que le film se densifie en termes de mythologie, puisqu’ici, c’est l’enfant de Han et Leia qui s’est tourné vers le côté obscur, sacralisant l’oeuvre du grand-père. Intense, Adam Driver fait passer beaucoup de choses dans le visage poupin de l’héritier légitime, depuis l’incertitude jusqu’à la colère hystérique de celui qui a toujours ressenti le poids des aînés.

Face à lui, Rey, la survivante, sortie de nulle part, jouée par une lumineuse et expressive Daisy Ridley, résiste à l’aventure jusqu’à la dernière limite, utilisant la force aux sein de séquences qui donneraient presque l’impression que son entrainement a eu lieu hors-champs, la faute au rythme imposé par la narration.

Vaisseaux spatiaux et jeu d’abstraction, un mélange étonnant !

Les vieux sont tout aussi empêtrés dans des version figées de leurs personnages, entre Han Solo redevenu contrebandier en compagnie de Chewie et Leia, devenue Générale d’une guérilla de la liberté qui combat le Premier Ordre.

Des retours en arrière pour ces icônes, qui ne sont pas très bien gérés par les dialogues entre eux, qui mettent plus l’accent sur leur problèmes relationnels et leur progéniture plutôt que sur le contexte de conflit larvé entretenu entre la République et ce fameux Premier ordre, dont on déduit qu’il tient toujours une partie de la galaxie dans une main de fer, chose évacuée par le montage et la peur de faire trop de politique, l’un des spectres de la prélogie ?

Ce fameux rythme ! Il coûte cher à la stabilité de la narration, et l’on ne peut que supputer de ce qui a été coupé de ce qui a n’a pas été assez réfléchi dans l’histoire qu’Abrams et Kasdan ont bricolé en à peine un an. C’est peu de dire que le film aurait certainement gagné en étant repoussé à mi-2016, nous donnant certainement plus de jeu entre les séquences des nouveaux personnages et les virages imposés par les anciens.

Mais je lui pardonne. Pourquoi donc ? Parce qu’il est quelque chose qui avait disparu depuis bien longtemps au sein de la saga : il est fun, il a des personnages auxquels on s’attache. Il a une photographie très élaborée et moderne élaborée par Dan Mindel. Ce qui suffit amplement au film pour être meilleur que la prélogie entière.

Un duel imparfait mais efficace

L’exemple parfait pour le comprendre est son final bicéphale, où on se soucie peu de la bataille entre la Résistance et le Premier Ordre, tant l’on sait que Poe sauvera la mise à la fin. Non, tout ce qui importe c’est ce qui arrive à Rey et au pauvre Finn, coincés dans un duel à mort dont la portée le dépasse et qui va faire du mieux qu’il peut, et rarement j’aurai ressenti de contentement que lorsque Rey embrasse sa destinée et brandit enfin son sabre laser, accompagnée du thème musical de la Force.

L’une des anciennes partitions du vieux Williams, dont la présence au générique est une fois de plus à mettre en concurrence avec un mixage très à cheval sur les effets sonores, ce qui laisse l’impression d’une composition un brin en arrière. Les thématiques et sous-thématiques sont pourtant bien présentes durant des séquences clés qui bénéficient toujours autant de l’expertise du maître.

Alors oui, le film est imparfait mais c’est pas grave. Il fait le boulot et ses failles en tant que telles seront pointées et discutées longuement, à n’en pas douter, mais de mon côté, je suis bien satisfait : mon neveux a un bon Star Wars, comme d’autres en ont eu dans les années 80. Je me sens presque triste d’être né trop tôt car ma génération, un peu maudite, aura bien eu droit au pire.

Mais je conjecture peut-être trop puisqu’il faudra attendre les opus de Rian Johnson et Colin Trevorrow pour se dire une telle chose. En l’état c’est bien parti, et c’est déjà pas mal. Bien joué Disney, bien joué.


■ Star Wars – Le Réveil de la Force ■ Réalisé par JJ Abrams ■ Sorti le 16/12/2015 ■ 124 minutes ■ Avec Daisy Ridley, John Boyega, Adam Driver, Gwendoline Christie…